Sega Saturn (console de jeux vidéo - histoire, date de sortie, fiche technique, ventes totales)

 
GÉNÉRATION : 5e génération
TYPE : Console de salon
DATE DE SORTIE : 22 novembre 1994 (Japon) ; 11 mai 1995 (Amérique du Nord) ; 7 juillet 1995 (Europe)
FIN DE PRODUCTION : 31 mai 1998 (Amérique du Nord ; 30 novembre 1998 (Europe) ; 23 décembre 2000 (Japon)
DÉVELOPPEUR : Sega
FABRICANT : Sega
Unités vendues : 9 260 000
sourceP. Zackariasson, T. Wilson, The Video Game Industry: Formation, Present State, and Future, 2012, p. 158.

Jeu le plus vendu : Virtua Fighter 2
Sommaire

La Sega Saturn, commercialisée en 1994, est une console de jeux vidéo de 5e génération : histoire de son développement et de sa commercialisation, description, caractéristiques techniques, jeux notables, galerie photos et vidéos.

Histoire de la Sega Saturn

Développement et contexte de création

Au début des années 1990, Sega jouit d’un succès considérable grâce à la Mega Drive (connue sous le nom de Genesis en Amérique du Nord) et à sa mascotte Sonic the Hedgehog, devenue un symbole de la rivalité avec Nintendo. Soutenue par une communication audacieuse et des campagnes marketing agressives, la firme s’impose comme l’alternative « cool » du jeu vidéo domestique. En parallèle, Sega continue d’innover dans le domaine de l’arcade : ses systèmes Model 1 et Model 2 marquent une étape décisive dans l’histoire des graphismes 3D polygonaux avec des titres tels que Virtua Racing (1992) et Virtua Fighter (1993), développés par le studio interne Sega AM2. Ces succès incitent la société à concevoir une console de salon capable de transposer fidèlement l’expérience de l’arcade à domicile.

Le développement de la future Sega Saturn débute en 1992 sous la supervision de Hideki Sato, directeur du département de recherche et développement de Sega, et de Hideki Okamura, chef de projet. Le projet, alors connu sous le nom de code Saturn, vise initialement à prolonger la réussite de la Mega Drive en intégrant la technologie CD-ROM, devenue incontournable, tout en préparant la transition vers la 3D. Sega souhaite concevoir une machine performante pour les jeux en sprites et en polygones, afin de ne pas exclure les développeurs encore attachés aux techniques 2D. Ce compromis, jugé nécessaire à court terme, compliquera cependant la structure interne de la console et son exploitation future.

En 1993, Sega s’associe au géant japonais de l’électronique Hitachi afin de développer un processeur spécifique, le SuperH RISC Engine (SH-2). Le système final adopte une architecture fondée sur deux processeurs SH-2 fonctionnant en parallèle, censée offrir un calcul 3D puissant tout en maintenant une grande rapidité d’exécution. Cependant, lorsque des informations filtrent sur les performances de la future Sony PlayStation, Sega décide dans la précipitation d’ajouter un second processeur graphique afin d’améliorer la gestion des textures et des effets 2D. Cette décision tardive complexifie davantage le développement et rend la programmation du système notoirement difficile.

Parallèlement, des tensions émergent entre Sega of Japan et Sega of America. Le président américain Tom Kalinske plaide pour une architecture plus simple, fondée sur une technologie externe, et propose même une collaboration avec Silicon Graphics — partenariat finalement rejeté par Tokyo. Silicon Graphics se tourne alors vers Nintendo pour développer la future Nintendo 64. Ces divergences internes préfigurent les difficultés de communication et de stratégie qui marqueront la carrière commerciale de la Saturn.

Commercialisation et stratégie marketing

En novembre 1994, la Sega Saturn est commercialisée au Japon. Le lancement s’accompagne d’un jeu phare : une adaptation quasi parfaite de Virtua Fighter, dont les ventes atteignent un ratio proche du un pour un avec la console. Cette exclusivité arcade contribue largement au succès initial du système : les 200 000 unités disponibles sont écoulées dès le premier jour. Fort de cet engouement, Sega atteint le seuil du million d’exemplaires vendus en seulement six mois, devançant temporairement la PlayStation de Sony sur le marché japonais.

En parallèle, Sega tente d’occuper le terrain de la 32-bit par un autre biais : la sortie de l’add-on Sega 32X, destiné à prolonger la vie de la Mega Drive. Cette stratégie confuse brouille cependant la communication : les consommateurs hésitent entre deux produits censés incarner l’avenir de la marque. Après un bon démarrage, le 32X s’essouffle rapidement et détourne des ressources qui auraient pu être consacrées à la Saturn.

En mars 1995, Tom Kalinske annonce que la Saturn sortira en Amérique du Nord le 2 septembre 1995, baptisé symboliquement « Saturnday ». Pourtant, Sega of Japan impose une sortie anticipée, sans coordination avec ses partenaires : lors du premier Electronic Entertainment Expo (E3) en mai 1995, Kalinske dévoile une sortie immédiate dans plusieurs enseignes (Toys “R” Us, Electronics Boutique, etc.) au prix de 399 $, incluant Virtua Fighter. Cette décision surprend la presse et provoque la colère des distributeurs non informés, dont certains, comme KB Toys, décident de boycotter la console. Quelques heures plus tard, Sony frappe un grand coup médiatique : son représentant Steve Race annonce sobrement que la PlayStation sera vendue à 299 $, soit 100 $ de moins que la Saturn — un moment resté célèbre dans l’histoire du jeu vidéo.

La sortie européenne de la Saturn, avancée à juillet 1995, connaît un accueil similaire, souffrant notamment d’un marketing précipité : les détaillants et les médias n’ont pas eu le temps de préparer la promotion des jeux. En face, Sony investit massivement dans sa campagne de Noël contre une modeste promotion de la part de Sega. Dès novembre, la PlayStation s’impose en Europe avec des ventes triplant celles de la Saturn au Royaume-Uni.

Aux États-Unis, Sega investit plusieurs millions de dollars dans une campagne publicitaire visant un public plus adulte que celui de la Mega Drive. Cependant, la précipitation du lancement réduit drastiquement la disponibilité de jeux : seuls six titres sont proposés au départ, tous édités par Sega. L’absence d’éditeurs tiers à court terme, combinée à la popularité limitée de Virtua Fighter hors du Japon, empêche la Saturn de capitaliser sur son avance. En comparaison, la PlayStation propose dès sa sortie un catalogue varié, soutenu par des studios majeurs tels que Namco, dont Ridge Racer devient un argument de vente décisif face à l’adaptation jugée inférieure de Daytona USA sur Saturn.

Réception et déclin commercial

Malgré la qualité reconnue de certains portages, notamment Virtua Fighter 2, Sega Rally Championship ou Virtua Cop, la Saturn peine à s’imposer durablement. Les coûts de production élevés et la complexité de son architecture freinent le soutien des développeurs tiers, séduits par la simplicité et les conditions avantageuses offertes par Sony. En 1996, la PlayStation dispose déjà d’une ludothèque bien plus étoffée, tandis que Sega mise sur quelques exclusivités ambitieuses, telles que Nights into Dreams. Malgré un sursaut des ventes lors des fêtes de fin 1995 grâce à une baisse de prix à 299 $, la tendance ne s’inverse pas.

Parallèlement, les tensions internes persistent : Tom Kalinske quitte Sega of America à l’été 1996, remplacé par Shoichiro Irimajiri, assisté de Bernie Stolar, transfuge de Sony. Au Japon, la firme adopte une communication plus humoristique avec la campagne Segata Sanshiro, personnage incarné par l’acteur Hiroshi Fujioka, devenu une icône populaire. Ces efforts tardifs ne suffisent toutefois pas à inverser la tendance internationale.

En 1997, l’arrivée de la Nintendo 64 et le succès mondial de Final Fantasy VII sur PlayStation achèvent de marginaliser la Saturn. La part de marché de Sega chute à 12 %, contre 47 % pour Sony et 40 % pour Nintendo. Les ventes s’effondrent en Amérique du Nord : entre 1996 et 1997, elles passent de 800 000 à 50 000 unités. La société licencie une partie de ses effectifs et subit ses premières pertes financières depuis son introduction en bourse. En 1998, la Saturn est officiellement abandonnée en Occident, bien qu’elle subsiste encore quelque temps sur le marché japonais, portée par une communauté fidèle et une dernière génération de jeux ambitieux.

La Sega Saturn demeure aujourd’hui un symbole paradoxal de l’histoire vidéoludique : saluée pour ses performances techniques et son apport à la 2D, mais victime d’une stratégie confuse et d’un marketing mal coordonné entre ses divisions régionales. Elle incarne à la fois l’apogée et le déclin d’un Sega qui, malgré son génie créatif, peine à rivaliser avec l’organisation et la vision marketing de Sony. Sa trajectoire, marquée par des innovations audacieuses et des décisions contradictoires, annonce les défis que la firme devra affronter avec sa successeure, la Dreamcast.


Fiche technique de la Sega Saturn

La Sega Saturn repose sur une architecture particulièrement complexe, dotée de huit processeurs distincts. Son cœur de calcul comprend deux microprocesseurs Hitachi SH-2 cadencés à 28,6 MHz, capables d’atteindre jusqu’à 56 MIPS. Elle intègre également un Motorola 68EC000 à 11,3 MHz servant de contrôleur sonore, assisté d’un processeur de son personnalisé équipé d’un DSP Yamaha FH1 à 22,6 MHz, offrant jusqu’à 32 canaux audio avec synthèse FM et échantillonnage PCM 16 bits à 44,1 kHz. Deux processeurs vidéo distincts, le VDP1 (pour les sprites et polygones) et le VDP2 (pour les arrière-plans), assurent un rendu graphique de haute qualité.

Un processeur Hitachi SH-1 gère le lecteur CD-ROM double vitesse afin de réduire les temps de chargement, tandis que l’unité de contrôle du système (System Control Unit, SCU) synchronise les différents bus et dispose d’un DSP interne à 14,3 MHz. La console offre une mémoire de travail totale de 16 Mbit (2 Mo), 12 Mbit de mémoire vidéo, 4 Mbit pour l’audio, 4 Mbit pour le tampon CD et 256 Kbit (32 Ko) de mémoire de sauvegarde alimentée par pile. Compatible avec un large éventail de périphériques et accessoires, la Saturn supporte notamment des manettes analogiques, des sticks arcade, des pistolets optiques, un modem NetLink et des cartouches d’extension RAM.

Sega Saturn
Caractéristiques techniques
Fabricant : Sega
© SPHERAMA.COM
Processeur central (CPU) 2 × Hitachi SH-2 (RISC 32 bits) cadencés à 28,6 MHz ; performances : ~56 MIPS
Co-processeurs et gestion du système System Control Unit (SCU) avec DSP interne 14,3 MHz ; processeur Hitachi SH-1 dédié au lecteur CD
Processeur graphique 2 processeurs VDP : VDP1 (sprites et polygones) ; VDP2 (plans de fond et défilements parallaxes)
Résolution d’affichage De 320 × 224 à 704 × 224 pixels ; jusqu’à 704 × 480 en mode entrelacé
Palette de couleurs 16,78 millions de couleurs (affichage simultané de 32 768 teintes)
Mémoire vive (RAM) 2 Mo de RAM principale (+ cartouche d’extension possible)
Mémoire vidéo (VRAM) 1,5 Mo (VDP1 + VDP2)
Mémoire audio 512 Ko (RAM son) + 512 Ko (DSP)
Audio 32 canaux PCM 16 bits 44,1 kHz ; synthèse FM Yamaha FH1 DSP
Format des médias CD-ROM double vitesse ; compatible CD+G, CD+EG, CD Vidéo, CD Photo, Mini CD
Stockage interne 32 Ko de mémoire de sauvegarde (SRAM sur pile)
Stockage externe / amovible Cartouches RAM de 512 Ko à 4 Mo (sauvegarde ou extension mémoire)
Périphériques Manettes numériques et 3D Pad analogique ; Virtua Stick ; Virtua Gun ; Arcade Racer ; multitap (jusqu’à 6 joueurs) ; clavier ; souris ; modem NetLink 28,8 k ; lecteur disquette FDD ; Movie Card
Sorties vidéo RCA composite, câble stéréo AV, compatible RGB SCART (selon modèle)
Alimentation électrique Entrée : 100 V AC ; consommation : env. 15 W
Dimensions 260 mm × 230 mm × 83 mm (10,2 × 9,1 × 3,3 po)
Modèles et variantes Saturn (noire ou grise) ; Hi-Saturn (Hitachi) ; V-Saturn (JVC) ; modèles blancs japonais

Jeux notables de la Sega Saturn

La Sega Saturn dispose d’une ludothèque conséquente totalisant 1 144 jeux, dont près de 75 % sont sortis exclusivement au Japon. Sa double architecture processeur, pensée pour la 2D et l’arcade, a permis à Sega d’adapter avec fidélité de nombreux succès de ses bornes, tels que Daytona USA, Sega Rally Championship, The House of the Dead ou encore Virtua Fighter 2.

Les capacités de la Saturn sont également exploitées dans des productions originales saluées pour leur créativité, à l’image de NiGHTS into Dreams…, Panzer Dragoon Saga ou Dragon Force, qui témoignent du savoir-faire technique et artistique de Sega AM2 et du Sonic Team. Le système accueille aussi plusieurs RPG japonais majeurs, dont Shining Force III et la série Sakura Wars, restés pour la plupart inédits hors du Japon. À l’inverse, la console souffre d’un manque de titres occidentaux et de suites attendues de franchises issues de la Mega Drive, situation accentuée par l’annulation du très attendu Sonic X-treme.

Malgré son échec commercial face à la PlayStation de Sony et à la Nintendo 64, la Saturn conserve une place à part dans l’histoire du jeu vidéo. Ses exclusivités japonaises, sa maîtrise du rendu 2D et ses titres devenus cultes — tels que Radiant Silvergun, Burning Rangers ou Guardian Heroes — lui confèrent aujourd’hui un statut d’objet de collection et de console de référence pour les amateurs d’expériences vidéoludiques atypiques.

Jeux notables de la Sega Saturn

Titre Développeur Éditeur Date de sortie
© SPHERAMA.COM
Burning Rangers Sonic Team Sega 1998
Daytona USA Sega AM2 Sega 1995
Dragon Force Sega Sega 1996
Fighters Megamix Sega AM2 Sega 1996
Guardian Heroes Treasure Sega 1996
NiGHTS into Dreams… Sonic Team Sega 1996
Panzer Dragoon Saga Team Andromeda Sega 1998
PowerSlave Lobotomy Software Playmates Interactive 1996
Radiant Silvergun Treasure Sega 1998
Sakura Wars Red Entertainment / Sega Sega 1996
Sega Rally Championship Sega AM3 Sega 1995
Shining Force III Sonic! Software Planning Sega 1997
Sonic R Traveller’s Tales Sega 1997
The House of the Dead Sega AM1 Sega 1998
Virtua Fighter 2 Sega AM2 Sega 1995

Galerie photos de la Sega Saturn