Struggle Mike & Black Soprano Family - Honor (chronique, review, tracklist)

Honor est un album collaboratif entre le beatmaker canadien Struggle Mike et le rappeur américain Torae, sorti le 22 septembre 2023 sur les labels Internal Affairs Entertainment et Spaghetti Bender Music.

Producteur, curateur, ingénieur du son et directeur artistique originaire de Buffalo (New York), Struggle Mike s’impose comme l’une des figures discrètes mais incontournables du hip-hop indépendant américain. Il lance sa carrière discographique en 2019 avec Great Escape, rapidement suivi par Next Up, Wall et Progress. Grâce à une régularité et une exigence sans faille, il publie ensuite Ties puis Struggles, avant de rejoindre officiellement le label Black Soprano Family Records — d’abord pour y occuper un rôle clé de découvreur et coordinateur de talents (A&R), puis comme artiste à part entière. Ses deux derniers projets, IYKYK et IYDK, sortis au printemps 2023, marquaient déjà une ascension remarquable. Avec Honor, son neuvième album studio, Struggle Mike franchit une étape décisive, confirmant sa place parmi les artisans les plus influents de la scène.

L’introduction confiée à DJ Benoit fixe immédiatement l’orientation du disque : Honor sera une œuvre dense et cohérente, ancrée dans l’esthétique boom bap chère au collectif B$F. Sur “Escobar”, Benny the Butcher et Heem s’appuient sur des percussions signées par le regretté DJ Shay pour livrer une fresque sombre sur le sentiment d’être piégé dans les rouages du game. Le morceau-titre, porté par Lo Profile, Lucky Seven et Smoke Bulga, assume une approche classique, rappelant par sa combativité l’esprit de l’équipe locale des Buffalo Bills.

La suite confirme la richesse du casting et la diversité des atmosphères. “Sleepless” (avec B.A.R.S. Murre, Eto et GoToMar$) juxtapose claviers mélancoliques et percussions sèches dans une réflexion désabusée sur la nature humaine. “Body”, réunissant Jeru the Damaja, Lucky Seven et Planet Asia, montre que certains vétérans conservent une plume intacte et acérée. Sur “Work”, Benny, Chase Fetti et Rick Hyde dressent le portrait d’une société minée de l’intérieur, condamnée par ses propres fondations.

Après une interlude épurée, “China October” (avec Boons et Heem) introduit une texture orientale sur fond de kicks incisifs, tandis que “Gandolfini” (avec O.T. the Real et Rick Hyde) adopte une couleur bluesy pour exalter l’autonomie face à l’adversité. “Quick”, interprété par Flames Dot Malik et Rick Hyde, se nourrit de guitares électriques pour glorifier l’instinct hustler.

À l’approche du dénouement, “Parasite” (avec Fuego Base et Rick Hyde) opte pour une esthétique drumless, offrant un terrain brut à une narration paranoïaque, traversée de violence latente. Enfin, “Well I Do”, porté par Heem et Sule, revient au boom bap originel pour une ultime attaque contre les « cœurs de pierre », rappelant l’unité de la Black Soprano Family.

Avec Honor, Struggle Mike livre la synthèse la plus accomplie de son travail à ce jour. On y retrouve la rigueur artistique déjà perceptible sur IYKYK et IYDK, enrichie par une utilisation subtile de productions drumless et par une mise en valeur des talents du label, auxquels viennent s’ajouter quelques invités prestigieux. Plus qu’une compilation, Honor s’impose comme une œuvre curatoriale, conçue comme un manifeste sonore de la B$F. Pour ceux qui n’auraient pas encore pris la mesure de son importance, il s’agit sans doute du projet idéal pour rattraper le temps perdu.

Tracklist (liste des titres)