Eto & Futurewave - Dead Poets (chronique, review, tracklist)

Dead Poets est un album collaboratif du rappeur américain Eto, originaire de Rochester (New York), et du producteur canadien Futurewave. Sorti le 25 janvier 2023 sous les labels Eto Brigante Records et WavGodMusic Inc., ce projet signe le grand retour d’Eto après deux ans et demi d’absence en solo et illustre parfaitement leur complémentarité artistique au sein d’un univers boom bap sombre et raffiné.

Originaire de Rochester (New York), Eto s’est imposé comme l’une des voix les plus singulières de la scène rap underground américaine depuis sa participation remarquée au sixième volume de la série Hitler Wears Hermes de Westside Gunn en 2018. Quelques mois plus tard, il confirmait son potentiel avec Hell’s Roof, un premier album percutant produit par DJ Muggs, suivi de projets solides tels que Long Story Short, Front Row ou encore The Beauty of It. Après deux ans et demi de silence en solo, le MC effectue son retour avec Dead Poets, une collaboration intégrale avec le producteur torontois Futurewave, figure incontournable de la scène canadienne.

Dès l’introduction, Eto plante le décor : un piano nu accompagne un discours sur la persévérance, refusant l’ombre que certains tentent de lui imposer. Le morceau “Vintage” prend ensuite le relais, porté par des kicks et snares rugueux où l’artiste se proclame encore et toujours roi de son univers. Le single “Bullets & Pills”, ancré dans une tradition boom bap classique, confirme cette aura sombre et directe, avant que Daniel Son ne rejoigne Eto sur “Make It Out”, tableau brut de survie où les deux rappeurs décrivent avec intensité la chance d’avoir échappé à des situations mortelles.

Le cœur de l’album poursuit cette exploration d’une poésie urbaine âpre et viscérale. “Poetry is Dead” joue sur des accords de piano fastueux pour rappeler que seule une discipline de fer permet de durer, tandis que “Cut the Robbin” ramène une énergie boom bap incisive, annonçant la reprise des affaires. L’interlude central, plus méditatif, met en avant l’autodiscipline et l’idée que le chemin n’est pas encore achevé. Puis G4 Jag apporte une couleur jazzy avec “Did You Hear?”, dialogue autour de la reconnaissance et des doutes formulés par leurs pairs.

La seconde moitié de l’album s’assombrit davantage. “My Poetry Deep” insiste sur la rareté des victoires gratuites, accompagné de chœurs éthérés, avant que Warlord Ironsheik ne prête sa voix grave à “City Broken”, morceau macabre qui exhorte à la prudence et à la patience. “Black Star”, hybride de symphonie et de boom bap, élève le propos vers une réflexion sur l’héritage des hommes de bien, tandis que “Don’t Listen” conclut le projet avec Tearz, qui se compare à un Van Gogh des temps modernes, hoodie et Timbs en guise de pinceau, sur une production apaisante.

Musicalement, Dead Poets bénéficie d’une cohérence rare. Futurewave déploie une palette de sonorités à la fois jazzy, soulful et rugueuses, rappelant parfois l’univers de Griselda, tout en offrant un écrin parfaitement adapté au timbre râpeux et habité d’Eto. L’influence de Curren$y et de Prodigy se fait sentir dans son phrasé, mais Eto impose surtout une énergie viscérale, à la fois familière et inimitable. Si certains featurings en fin d’album paraissent en retrait, l’ensemble reste d’une grande homogénéité.

Avec sa pochette parmi les plus marquantes de 2023 et une production d’une régularité sans faille, Dead Poets marque le grand retour d’Eto sur le devant de la scène. Un disque sombre, exigeant et intensément cohérent, qui s’impose sans conteste comme l’un des meilleurs projets hip-hop de l’année et une nouvelle preuve du savoir-faire de Futurewave derrière les machines.

Tracklist (liste des titres)