Apollo Brown and O.C. - Trophies (chronique, review, tracklist)

Trophies est un album collaboratif du producteur Apollo Brown et du rappeur O.C., sorti le 1er mai 2012 sous le labelMello Music Group.

Quand le Detroit sound d’Apollo Brown croise la plume affûtée d’O.C., vétéran du mythique crew D.I.T.C., ça donne Trophies, un projet sans artifices, sans concession, porté par une sincérité musicale qui force le respect. Sorti en 2012 sur le label indépendant Mello Music Group, ce disque est un pied-de-nez aux charts aseptisés et à ceux qui pensent qu’un album doit briller pour valoir l’écoute. Ici, pas de feat tape-à-l’œil, juste un MC, un beatmaker, et quinze morceaux qui tapent droit dans le cœur du hip-hop pur jus.

Dès les premières mesures, Apollo Brown installe le décor : une ambiance boom bap classieuse, nappes soul poussiéreuses, samples mélancoliques et caisses claires qui claquent comme des portes closes aux tendances passagères. Le producteur maîtrise son art, et il le prouve encore une fois, après The Reset ou Gas Mask (2010), en fournissant à O.C. une bande-son taillée sur mesure. Les productions ne sont jamais dans l’esbroufe, elles frappent juste, elles portent.

De son côté, O.C. est en pleine forme. Lui qui nous avait un peu laissés sur notre faim dans ses derniers efforts revient ici avec une plume affûtée comme une lame. Il ne cherche ni à séduire les radios ni à faire le buzz. Il rappe pour ceux qui écoutent vraiment, pas juste pour ceux qui scrollent.

Après une courte intro, l'opus débute avec "The Pursuit", un titre qui évoque avec justesse l’ambiance de Jewelz, le deuxième album du MC new-yorkais sorti en 1997. Viennent ensuite les chansons "Prove Me Wrong" et "Nautica", fidèles à la patte des deux artistes, à savoir des titres 100 % hip hop. Ensuite, "Anotha One" laisse place à la mélancolie avec un refrain entêtant, tandis que "Disclaimer" nous sort de notre torpeur avec un boom bap énergique.

Sur "We The People", O.C. livre un appel citoyen d’une rare lucidité, porté par une instru lacrymale où les cordes et les chœurs s’entrelacent dans une tension presque cinématographique. Après un "Signs" rêveur, le sommet de cet opus reste sans doute "The First 48". Un sample du groupe Cream, osé, découpé au scalpel, où les guitares psyché d’Eric Clapton croisent le flow de O.C. sans la moindre fausse note. C’est ce genre de prouesse qui rend l’album si précieux : à chaque piste, une alchimie, une vision, un message. Rien n’est là pour remplir. Sur "Angels Sing", il balance des rimes mystiques, se comparant à Van Helsing, chassant le mal avec des vers comme des balles en argent.

Autre mention spéciale, la production aux petits oignons avec "Just Walk", digne d'un bon son de DJ Premier. La piste suivante, intitulée "The Formula" pose les choses calmement mais sûrement avec un O.C. particulièrement bien inspiré. Et comme cela devient une habitude sur cet album, à savoir alterner mélancolie puis boom bap cinglant, le titre suivant, "People's Champ", fait place à une énergie débordante. Les derniers sons, "Options", "Caught Up" et "Fantastic" clôturent l'album en beauté, aucun faux pas.

Trophies est une déclaration d’amour au hip-hop de l’âge d’or, mais jamais un pastiche. Il ne sonne pas “old school”, il sonne “éternel”. Les lyrics sont denses, introspectifs, éducatifs. Les instrus, elles, déroulent une fresque sonore cohérente, presque cinématographique. Et pourtant, rien ne sent le formol. C’est du rap de grown men, mature, ancré dans ses racines mais tourné vers l’avenir.

Avec ce LP, Apollo Brown et O.C. ne courent pas après les récompenses. Ils les incarnent. Cet album est une masterclass sur ce qu’une collaboration homogène peut produire quand l’ego s’efface devant l’art. Une partition sans faute, seulement freinée par l’absence d’un brin de folie. Mais quand l’authenticité parle, elle n’a pas besoin de paillettes. Un classique moderne, pour les oreilles affûtées et les esprits exigeants.

Tracklist (liste des titres)