Paysage culturel de Sintra

Au XIX^e siècle, Sintra devient le premier symbole de l'architecture romantique en Europe. Sous l'impulsion de Ferdinand II de Portugal, les ruines d'un monastère sont transformées en un château où s'exprime alors la nouvelle sensibilité de l'époque, mêlant des éléments gothiques, égyptiens, maures et de la Renaissance.

Description

Le paysage culturel de Sintra, situé au Portugal central et à quelques kilomètres de l'océan Atlantique, offre une fusion remarquable de sites naturels et culturels. De loin, il se distingue par une chaîne de montagnes granitiques couvertes de forêts, surplombant un paysage rural vallonné. À proximité, la Serra révèle une richesse culturelle remontant à plusieurs siècles, notamment grâce à l'initiative de Ferdinand II vers 1840. Transformant un monastère en château, il a créé un parc romantique orné d'éléments gothiques, égyptiens, maures et de la Renaissance. Ce parc, parsemé d'arbres rares et exotiques, de fontaines, de chaumières et de petits chemins sinueux, ajoute au caractère enchanteur du paysage de Sintra.

La ville historique de Sintra. | © dorota zapisek

Palais de Sintra, longtemps résidence de la famille royale pendant l'été. | © Diego Delso

Un site parsemé de joyaux architecturaux uniques

La ville est ceinte de magnifiques résidences telles que les retiros, des demeures de retraite luxueuses, et les quintas, des maisons entre ferme et petit palais, prisées par l'aristocratie de Lisbonne en quête de fraîcheur estivale. Parmi ses joyaux architecturaux figurent :

• Le Palais royal, datant des débuts des XV^e et XVI^e siècles et situé au centre de la ville, avec sa façade en carreaux d'azulejos, témoigne d'une technique mudéjar raffinée. Ses intérieurs regorgent de décorations gothiques et mudéjares.
• Le Palais de Pena, perché sur un sommet des monts de Sintra, est une oeuvre romantique du XIX^e siècle mêlant les styles égyptien, mauresque, gothique et Renaissance. Il intègre des éléments de l'ancien monastère du XVI^e siècle, dont une église richement décorée d'azulejos.
• Le Palais de Monserrate, conçu dans un style éclectique par James Knowles fils au milieu du XIX^e siècle, associe le néo-gothique à des éléments indiens. Ses jardins, conçus par Thomas Gargill, abritent plus de 3 000 espèces exotiques venues du monde entier.
• Quinta da Penha Verde, érigée au XVI^e siècle par le capitaine et vice-roi portugais João de Castro au XVI^e siècle et agrandie par ses successeurs au cours des XVI^e et XVIII^e siècles, est un ensemble harmonieux de chapelles.
• Le Palais de Ribafrias, édifié en 1514 par le grand chambellan royal Gaspar Gonçalves, arbore des fenêtres manuélines et pombalines sur sa façade.
• Le Château des Maures, datant peut-être de l'époque wisigothe, a été utilisé pendant l'occupation maure au IX^e siècle. Abandonné après la Reconquista et désormais en ruines, ses vestiges témoignent toutefois des défis de la construction d'une forteresse sur un piton rocheux.

Palais de Pena vu du ciel. | © IPPAR

Palais de Monserrate. | © kkmarais

D'autres édifices remarquables de cet ensemble incluent le Palais de Seteais, datant de la fin du XVIII^e siècle au début du XIX^e siècle, la Quinta de Regaleira, érigée à la fin du XVII^e siècle, et l'Hôtel de Ville, édifié au début du XX^e siècle. Le couvent de la Trinité de l'Arrabalde, fondé en 1374 par des moines du couvent de la Trinité de Lisbonne, occupe une vallée paisible de la Serra. Bien que sévèrement endommagé par le séisme de 1755, il a été largement reconstruit, préservant la quiétude qui a attiré les premiers moines. L'église Santa Maria, témoignant de la transition entre le roman et le gothique au XII^e siècle, conserve sa façade et sa tour érigées en 1757. Les autres églises notables de la ville incluent São Martinho et São Miguel, construites principalement après 1755, ainsi que l'église de São Pedro de Canaferrim (XII^e siècle) et l'église de Nossa Senhora da Misericórdia (XVII^e-XVIII^e siècles) dans l'enceinte du Château des Maures.

Sur les magnifiques jardins de ce site exceptionnel

Le Paysage culturel de Sintra comprend également la création de parcs où sont mélangées des essences végétales locales et exotiques, contribuant à faire de Sintra un ensemble unique de jardins. Cette conception influencera par la suite l'aménagement des paysages européens. Ainsi, le Paysage culturel de Sintra offre de superbes espaces verts :

• Le Parc de Pena, dont les travaux, lancés par Ferdinand II vers 1840, ont introduit de nombreuses espèces végétales provenant d'Amérique du Nord, d'Asie et de Nouvelle-Zélande sur une superficie de 210 hectares. Le parc se caractérise par une diversité de paysages, allant des forêts de chênes, cyprès et pins aux jardins classiques près du château, où l'on trouve des spécimens uniques de plantes comme les cycas. Les points forts incluent le jardin des camélias, le « jardin anglais » et le jardin de la Feiteira de la Condesa avec ses variétés botaniques remarquables.
• Le Parc de Monserrate qui s'étend sur 50 hectares sur les pentes nord de la Serra. Les travaux de reconstruction du palais par William Beckford à la fin du XVIII^e siècle ont également abouti à la création de jardins paysagers. Sous la direction de Sir Francis Cook, James Burt a conçu des sites de jardin exotiques, entourés d'une forêt de chênes semi-naturelle.

Palais royal de Queluz. | © Jean-Christophe Benoist

Le Château des Maures, sur les hauteurs de Sintra. | © Diego Delso

Malgré la construction d'autres résidences royales romantiques en Europe aux XIX^e et XX^e siècles, Sintra se distingue comme un pionnier du romantisme européen en associant une riche variété d'espèces botaniques à une diversité de monuments et de constructions représentant différentes époques historiques. Ainsi, Sintra est devenue le premier centre de l'architecture romantique européenne.

Histoire

Les vestiges archéologiques de Sintra témoignent d'une occupation humaine depuis le Paléolithique ancien. Durant l'occupation romaine, Sintra fait partie de la Civitas Olisiponense, preuve d'une présence romaine jusqu'au V^e siècle de l'ère chrétienne. L'occupation maure laisse une empreinte importante, tandis que la Reconquista chrétienne marque l'histoire de la ville, notamment avec sa conquête définitive par Afonso Henriques en 1147. Sintra est impliquée dans la crise dynastique entre 1383 et 1385, soutenant d'abord Béatrice et son mari Jean Ier de Castille, puis se ralliant à Nuno Álvares Pereira et finalement au maître d'Aviz, futur roi du Portugal.

Sous le règne de Jean Ier, Sintra se reconvertie une résidence royale d'été. Pendant l'ère des découvertes, la ville voit naître des figures importantes comme Gonçalo de Sintra. Au XV^e siècle, la reine Aliénor de Viseu élargit les institutions de bienfaisance, et Manuel Ier entreprend des travaux publics majeurs. Sintra attire également l'aristocratie et devient un centre de courtisanes au XVI^e siècle. Luís de Camões et la poétesse Luisa Sigea célèbrent sa beauté. Pendant l'union avec l'Espagne, Sintra est un refuge pour les exilés portugais.

Arc de triomphe érigé en l'honneur de la visite en 1802 du roi João VI du Portugal et de la reine Carlota Joaquina d'Espagne au palais de Seteais. | © Gryffindor

Palais de la Regaleira. | © Diego Delso

Après la guerre avec l'Espagne (1640-1668) et l'établissement de Mafra comme centre royal sous Jean V, Sintra accueille moins de visites royales. Cependant, des événements politiques comme le coup d'État de 1667 marquent la région, avec l'emprisonnement du roi Afonso VI. Sintra est transformée un centre religieux aux XVII^e et XVIII^e siècles avec l'installation de couvents. Son paysage mystique attire des visiteurs célèbres comme Lord Byron, Almeida Garrett et Eça de Queirós. Le tremblement de terre de 1755 endommage Sintra, mais la cité est restaurée au XVIII^e siècle. Sintra connait un renouveau au cours du XIX^e siècle, attirant artistes, aristocrates et gens fortunés, qui contribuent à en faire une destination culturelle et créative prisée.

La proclamation de la République portugaise en 1910 a stimulé le développement économique de Sintra, mais cela a malheureusement conduit à la destruction de certains aspects du patrimoine culturel au nom du progrès. Dans les années 1920, des institutions ont été créées pour étudier et protéger le riche patrimoine artistique de la région, notamment l'Institut historique de Sintra. Cette période a également favorisé le secteur touristique et attiré des résidents notables. Le plan municipal de De Groer de 1949 a été instauré pour préserver Sintra de l'urbanisation incontrôlée, préservant ainsi son charme du XIX^e siècle malgré la construction de nouveaux quartiers dans les zones environnantes.

Préservation

Le paysage culturel de Sintra est une collection remarquable de parcs, jardins, palais, et plus encore, où l'architecture se fond harmonieusement avec une végétation luxuriante et exotique. Chaque coin offre des surprises, invitant les visiteurs à explorer sans cesse. Sa singularité et sa diversité botanique en font un joyau rare, influençant profondément l'aménagement paysager européen. Les bâtiments historiques sont bien entretenus, reflétant l'histoire et le romantisme européen. Tous les éléments pour démontrer la valeur exceptionnelle du paysage culturel de Sintra sont présents dans ses 946 hectares.

Un des jardins du Paysage culturel de Sintra. | © Geoff Mason

Le couvent des Capuchos, retraite monastique établie au cours du XVIe siècle. | © W.Rebel

Malgré les évolutions du XX^e siècle, le paysage de Sintra conserve en grande partie son authenticité structurelle. Les principaux parcs comme Pena et Monserrate, ainsi que certains jardins plus petits, témoignent encore du dessin original. Les monuments majeurs, comme le Palais de Pena et le Château des Maures, ont été restaurés tout en préservant leur authenticité, tout comme les bâtiments agricoles toujours en activité. L'interaction harmonieuse entre ces éléments et le paysage renforce l'atmosphère romantique, caractéristique de Sintra, avec des touches victoriennes et exotiques toujours perceptibles.

Le paysage culturel de Sintra, intégré au Parc national naturel de Sintra-Cascais depuis 1994, bénéficie d'une protection légale importante. De nombreux bâtiments classés monuments nationaux ou d'intérêt public se trouvent dans son périmètre, tous protégés par la législation portugaise. Parques de Sintra Monte da Lua S.A. (PSML) gère ce site du patrimoine mondial, en collaboration avec diverses institutions, assurant la préservation du patrimoine et la réhabilitation des bâtiments historiques. Ces dernières années, le PSML a entrepris la création de nouvelles installations culturelles et la restauration de nombreux bâtiments. Il veille également à la conservation des espèces existantes et à la prévention des incendies forestiers, tout en promouvant des activités éducatives et en limitant les impacts négatifs de l'urbanisation.