Chicama : La vague infinie du Pérou, la plus longue au monde

Chicama, située sur la côte nord du Pérou, est une vague mythique pour les surfeurs du monde entier. Connue pour sa longueur exceptionnelle, elle est considérée comme la plus longue vague surfable au monde. Ce site naturel unique attire non seulement des passionnés de surf, mais aussi des chercheurs intéressés par la dynamique des houles et des courants marins.

Caractéristiques géophysiques et océanographiques du Chicama

La singularité de la vague de Chicama tient à la configuration géologique de son littoral et de son fond marin. Située à environ 600 km au nord de Lima, la côte péruvienne bénéficie de conditions océanographiques exceptionnelles, largement influencées par le courant de Humboldt, qui génère des vents constants et des houles puissantes. La topographie en pointe du littoral, associée à la bathymétrie spécifique des fonds marins, favorise la formation de longues vagues déroulant sur plusieurs centaines de mètres.

Les rangées de vagues de Chicama se forment de manière ordonnée à mesure qu'elles s'approchent de la côte. | © Jonathan

Les études géophysiques sur les dynamiques côtières du Pérou attestent que la morphologie de la région est particulièrement propice au développement de vagues gauches d’une longueur remarquable. La faible inclinaison du plateau continental et l’absence d’obstacles sous-marins permettent à la houle de conserver son énergie sur une distance exceptionnelle.

Selon Andrew Thomas, océanographe à l’Université du Maine et ancien surfeur, la houle qui alimente Chicama prend naissance à des milliers de kilomètres, sous l’effet de systèmes dépressionnaires et de fronts météorologiques situés dans l’océan Pacifique, voire dans l’océan Austral. En se propageant en haute mer, les vagues aux longueurs d’onde et vitesses similaires tendent à se regrouper, formant des houles organisées. La côte péruvienne, en raison de ses profondeurs importantes, permet aux vagues de conserver leur énergie jusqu'à proximité du rivage, favorisant ainsi la formation de houles longues et régulières.

Une vague mythique pour les surfeurs

Chicama est une destination emblématique pour les surfeurs du monde entier en raison de ses vagues exceptionnellement longues. Contrairement à d'autres spots où les surfeurs ne peuvent profiter que de quelques secondes de glisse, Chicama offre des vagues pouvant être surfées pendant plusieurs minutes.

Chicama attire les surfeurs du monde entier grâce à ses vagues d'une longueur exceptionnelle, en faisant une destination incontournable. | © Waterways Surf Adventures

L’histoire de cette découverte remonte à 1965, lorsque le surfeur Chuck Shipman survola la côte nord du Pérou et fut captivé par une séquence de vagues impressionnantes. Bien qu’elles se situent près de Puerto Malabrigo, il choisit de nommer l’endroit Chicama, en référence à la vallée de la rivière Chicama, un nom qu’il jugeait plus approprié pour un spot de surf. Dès 1966, il tenta d’accéder au site sans succès, mais son ami Carlos "Flaco" Barreda, après avoir interrogé les habitants de Paiján, fut finalement dirigé vers cet endroit unique. Depuis lors, Chicama est devenu l'un des spots de surf les plus célèbres du Pérou. Grâce à sa renommée, Malabrigo vit désormais principalement du tourisme, attirant des passionnés de glisse du monde entier.

Conditions de surf et accessibilité à la ville côtière de Malabrigo

Les vagues de Chicama peuvent atteindre jusqu'à 2,2 km de longueur dans des conditions idéales. Située dans le département de La Libertad, la ville côtière de Malabrigo, qui abrite ce phénomène naturel, est officieusement appelée Puerto Chicama. Elle se trouve à environ 560 km au nord de Lima par avion et à 70 km de Trujillo. L'accès se fait en empruntant un détour de 15 km depuis Paiján sur la route panaméricaine nord. Plusieurs agences proposent des excursions, et des moyens de transport comme les bus et taxis collectifs relient Malabrigo aux grandes villes voisines. Sur place, l'offre d'hébergement va d'établissements simples à des complexes plus luxueux comme le Chicama Surf Resort.

La plage de Malabrigo en été : un paradis pour les surfeurs, où les vagues spectaculaires rencontrent le sable doré sous un ciel azur. | © Melissa Guadalupe

La période optimale pour surfer à Chicama s'étend de l'hiver austral jusqu’en septembre, lorsque les tempêtes des Quarantièmes Rugissants dirigent de puissantes houles vers la côte péruvienne. Cependant, la houle y est irrégulière et les vagues de qualité ne se forment que lorsque leur hauteur dépasse 1,8 m. L’eau, refroidie par le courant de Humboldt, affiche des températures comprises entre 17 et 22 °C, et une combinaison de 2 à 3 mm est recommandée pour affronter le refroidissement éolien.

Caractéristiques des vagues et spots principaux de Chicama

Les vagues les plus prisées se forment autour du cap qui s’avance dans l’océan Pacifique. Quatre points – Malpaso, Keys, El Point et El Hombre – génèrent la houle qui se déploie progressivement à mesure qu’elle atteint les eaux moins profondes. Le site est généralement divisé en plusieurs sections, dont La Punta, la plus célèbre, qui peut dérouler sur près d’un kilomètre avec des vagues atteignant 1,8 m (échelle hawaïenne). Pour surfer une seule vague sur toute la distance de 2,2 km jusqu’à la jetée, une houle supérieure à 1,8 m est nécessaire, un phénomène relativement rare.

À Chicama, quatre spots – Malpaso, Keys, El Point et El Hombre – nommés ainsi par les surfeurs, produisent des vagues qui se propagent progressivement à mesure qu'elles rencontrent des eaux moins profondes. | © Lauren Dauphin/ US Geological Survey / General Bathymetric Chart of the Oceans / Shuttle Radar Topography Mission

Les surfeurs expérimentés apprécient la vague de Chicama pour sa forme régulière, sa rapidité et sa longueur exceptionnelle. Bien qu’elle soit bien formée et modérément creuse, ce n’est ni un véritable tube ni une vague extrêmement puissante, sauf lorsque la houle dépasse 3 m. Dans ces conditions, il devient possible de surfer sur une seule vague durant plusieurs minutes, une expérience quasi unique dans le monde du surf. Les vents offshore, constants presque toute l’année, permettent aux vagues de conserver leur structure, garantissant ainsi des sessions de surf prolongées.

Enjeux environnementaux et conservation

Le développement du surf à Chicama a entraîné une augmentation de la fréquentation touristique, accentuant les pressions liées à l'urbanisation et à la pollution, qui menacent progressivement l'écosystème marin local. Afin de limiter ces impacts, la Ley de Rompientes Protegidas interdit toute construction susceptible d'altérer les vagues naturelles. Chicama est ainsi la seule vague au monde à bénéficier d'une protection légale spécifique en vertu de la loi péruvienne depuis février 2016. En vertu de la loi n° 27 280, le gouvernement péruvien a instauré plusieurs restrictions, notamment l'interdiction de construire à moins de 1 km de la zone de formation des vagues, afin de préserver leur dynamique naturelle. Il s'agit du premier cas au monde de protection légale accordée à une vague, et le gouvernement péruvien s'est engagé à étendre cette mesure à au moins cinq autres sites.

Chicama est unique en son genre, étant la seule vague au monde à bénéficier d'une protection légale spécifique. | © DR

Inscrit sur la liste indicative du patrimoine mondial de l'UNESCO, Chicama constitue un phénomène naturel d'importance exceptionnelle pour la culture et le sport du surf. Cette reconnaissance souligne non seulement sa valeur écologique et sportive, mais aussi son potentiel à promouvoir un tourisme durable et à sensibiliser à la préservation des écosystèmes marins.

Chicama demeure une merveille naturelle unique au monde, tant par son intérêt scientifique que par son attrait pour les surfeurs. Son statut de vague la plus longue surfable est soutenu par des recherches académiques qui expliquent son caractère exceptionnel. La préservation de ce joyau océanique est essentielle pour garantir la pérennité de ce site emblématique du littoral péruvien.

Références bibliographiques :

• Robert Wallace Blake, From Belleau Wood to Bougainville: The Oral History of Major General Robert Blake Usmc and the Travel Journal of Rosselet Wallace Blake, 2004.
• The Rough Guide to Peru, Rough Guides UK, , 2015.
• Claude Chauchat et Elizabeth Wing, Prehistoria de la costa norte del Perú: El Paijanense de Cupisnique, Institut français d’études andines, 2015.
• "World’s Longest Wave?", NASA Earth Observatory, March 4, 2020.
• "The Coastal Lomas System of Peru" - UNESCO World Heritage Centre.