1995 : De la rue à la rédemption – Le destin brisé et forgé de Curtis Jackson Un jeune Curtis Jackson, futur 50 Cent, tenant un dessin de sa mère défunte. Un instant poignant qui illustre la douleur de son enfance et la force intérieure qui l’a conduit à surmonter les épreuves. | © DR

50 Cent : De la rue à la rédemption – Le destin brisé et forgé de Curtis Jackson

 

De la rue aux sommets du rap, 50 Cent incarne la résilience et la transformation. Son parcours, marqué par les épreuves, illustre comment la détermination peut changer un destin. Cet article dévoile des anecdotes peu connues mais vérifiées, offrant un regard inédit sur son ascension.

50 Cent : Des origines tourmentées, entre abandon et violence

Curtis James Jackson III, plus connu sous le nom de 50 Cent, naît le 6 juillet 1975 dans le quartier de Jamaica, dans le Queens à New York. Il grandit dans un environnement instable, fruit de l’union entre Sabrina, mère adolescente de 15 ans, et James Jackson II, issu d’une famille d’immigrés jamaïcains et haïtiens. Ce dernier disparaît aussitôt de sa vie : condamné à perpétuité pour meurtre en 1975, il ne participe jamais à l’éducation de son fils.

Sabrina Jackson, la mère de 50 Cent

Sabrina Jackson, mère célibataire et figure centrale de l'enfance de Curtis, a élevé son fils dans un environnement difficile, marquant profondément son parcours. | © DR

Sabrina, figure complexe et déterminée, s’investit seule dans l’éducation de Curtis tout en s’imposant comme une trafiquante redoutée dans son quartier. Contrainte par la précarité, elle entre dans le trafic de crack pour subvenir aux besoins de son enfant. Sa trajectoire s’interrompt brutalement en 1983 : Curtis n’a que huit ans lorsqu’elle meurt dans des circonstances troubles. Officiellement, elle succombe à une intoxication au gaz lors d’un incendie, avec des comprimés d’ecstasy retrouvés entre les orteils. Un rapport confidentiel de 2005 évoque la piste d’un homicide, sans qu’aucun document officiel ne le confirme à ce jour.

Devenu orphelin, Curtis rejoint le domicile de ses grands-parents, au 140-52 161st Street à South Jamaica. Il raconte : « Je me souviens que ma grand-mère m’a dit : “Ta maman ne rentrera pas, elle ne reviendra pas te reprendre, tu resteras donc avec nous maintenant.” C’est alors que j’ai commencé à traîner dans la rue. » Livré à lui-même au sein d’une famille nombreuse, il peine à trouver des repères affectifs. Sa grand-mère Beulah Jackson, qui l’élève comme son propre enfant malgré les neuf autres à charge, décède d’un cancer en 2014.

La maison où 50 Cent a grandi, située à South Jamaica, Queens

La maison de ses grands-parents située au 140-52 161st Street, dans le quartier de South Jamaica (Queens, New York), où a grandi 50 Cent, au cœur d’un quartier touché par la pauvreté et la criminalité. | © DR

Très jeune, Curtis apprend à survivre dans un environnement hostile. À douze ans, il vend déjà du crack, et en consomme. Ce quotidien rythmé par la violence et la drogue le pousse à construire une forme d’autonomie précoce. Refusant de demander ce que sa grand-mère ne peut lui offrir, il choisit de subvenir seul à ses besoins, devenant progressivement un acteur incontournable du trafic local.

Dans son enfance, ses proches le surnomment affectueusement « Boo Boo », un nom donné par sa tante Geraldine et confirmé plus tard par son ami Tony Yayo. Mais derrière ce sobriquet attendrissant se cache un adolescent déjà happé par les méandres de la criminalité, mû par un sentiment de survie plus que de rébellion.

La maison où 50 Cent a grandi, située à South Jamaica, Queens

Sur ses casquettes de l’époque, le surnom "Boo Boo", utilisé par ses proches durant l’enfance et l’adolescence, témoigne de ses débuts bien avant la célébrité. | © DR

Les tensions familiales laissent des cicatrices durables. Un souvenir marquant illustre la dureté de son quotidien : sa tante Sylvia, avec qui il entretient des rapports conflictuels, empoisonne un jour son chien en versant du produit anti-cafard dans sa gamelle. Cet acte cruel renforce chez le jeune Curtis le sentiment d’abandon et de méfiance, déjà profondément ancré en lui.

Une adolescence entre musculation, boxe et vie de rue

À l’adolescence, 50 Cent fréquente principalement les rues de South Jamaica, dans le Queens, un quartier gangrené par la criminalité et le trafic de drogue. Il passe une grande partie de son temps dans des lieux comme le complexe de logements sociaux de Baisley Park Houses, où il côtoie de nombreuses figures du milieu.

Âgé de 15 ans sur la photo, 50 Cent s'entraînait intensément à la musculation

À seulement 15 ans, Curtis Jackson s’adonnait déjà à un entraînement intensif, sculptant son corps dans un souci de discipline et de force. | © DR

L'entraînement de Curtis était inspiré des méthodes de bodybuilding

Inspiré par le culturisme, 50 Cent a rapidement développé une silhouette athlétique, résultat d’un entraînement rigoureux dès son plus jeune âge. | © DR

À cette époque, la musique ne constitue pas encore une véritable ambition. Il lui arrive de rapper pour s’amuser, mais son quotidien reste dominé par la rue et le commerce de stupéfiants. Il nourrit cependant une fascination croissante pour le rap. Parmi ses premières influences, Jam Master Jay, membre du légendaire groupe Run-DMC, lui enseigne les bases de l’écriture et de la composition, et jouera plus tard un rôle décisif dans sa carrière artistique. Il se lie également d’amitié avec Tony Yayo et Lloyd Banks, deux figures locales avec qui il fondera plus tard le groupe G-Unit.

La maison où 50 Cent a grandi, située à South Jamaica, Queens

Avant le rap, 50 Cent a pratiqué la boxe, sport qui lui a appris endurance, stratégie et maîtrise de soi, des qualités qui lui serviront dans sa carrière. | © DR

Moins connue du grand public, une autre facette de sa jeunesse mérite d’être soulignée : sa passion pour la boxe. Curtis débute l’entraînement dès l’âge de 11 ans et s’investit avec intensité jusqu’à la fin de son adolescence. À 14 ans, l’ouverture d’une salle de boxe par un voisin lui permet de se perfectionner. Il participe aux tournois régionaux des Golden Gloves et, à 15 ans, représente son quartier aux Junior Olympics en tant que boxeur amateur. Cette discipline lui inculque rigueur, endurance et combativité – des qualités qu’il transpose plus tard dans l’univers du rap.

L’immersion dans le crime

En parallèle de ses entraînements sportifs, Curtis s’immerge très tôt dans le trafic de drogue. Dès l’âge de 12 ans, il commence à vendre du crack dans son quartier. Il dissimule ses armes à l’école, cache ses gains dans des lieux improbables et compte parfois ses propres oncles parmi ses clients. Il est arrêté une première fois au lycée Andrew Jackson, après avoir été surpris avec une arme grâce à un détecteur de métaux. Il confiera plus tard : « J’étais gêné de me faire arrêter comme ça. C’est la pire façon d’être arrêté. Après mon arrestation, j’ai arrêté de me cacher. Je disais ouvertement à ma grand-mère : “Je vends de la drogue.” »

Le 29 juin 1994, à 18 ans, Curtis est de nouveau arrêté pour avoir vendu quatre fioles de cocaïne à un policier en civil. Trois semaines plus tard, une perquisition à son domicile permet aux forces de l’ordre de saisir de l’héroïne, dix onces de crack et une arme à feu. Il est condamné à une peine de trois à neuf ans, mais bénéficie d’un placement dans un camp d’entraînement correctionnel, une alternative à l’incarcération classique réservée aux jeunes délinquants.

50 Cent, arrêté à 18 ans pour trafic de drogue

À 18 ans, Curtis Jackson est arrêté pour trafic de stupéfiants, un épisode marquant de son passé avant son tournant vers la musique. | © DR

Ce programme, inspiré du modèle militaire et souvent qualifié de shock incarceration, impose une discipline stricte, un entraînement physique intensif et des cours éducatifs. C’est dans ce cadre que Curtis obtient son GED, l’équivalent américain du baccalauréat, marquant ainsi une étape cruciale vers une possible réinsertion. Libéré après six mois pour bonne conduite et progrès démontré, il en sort avec l’ambition de tourner définitivement la page du crime. Cette expérience correctionnelle agit comme un catalyseur, éveillant chez lui le désir de se consacrer pleinement à la musique.

Dans le South Jamaica des années 1980, où grandit Curtis, le nom de Kenneth "Supreme" McGriff est omniprésent. Chef redouté du gang Supreme Team, McGriff règne sur le trafic de crack et amasse des sommes colossales. Son arrestation en 1987, suivie de sa condamnation en 1989, n’empêche pas l’organisation de perdurer sous la direction de Gerald "Prince" Miller. À cette époque, Curtis n’est encore qu’un adolescent, mais l’influence du gang et ses ramifications joueront un rôle important dans sa trajectoire future – un lien que l’on découvrira plus tard.

L’éveil d’une volonté nouvelle : De Curtis à 50 Cent

À sa sortie du camp d'entraînement correctionnel, Curtis Jackson adopte le nom de scène « 50 Cent », en hommage à Kelvin Martin, un braqueur new-yorkais notoire des années 1980, réputé pour s’être opposé aux figures du crime organisé. Ce pseudonyme incarne pour Jackson une rupture avec son passé, une affirmation de résilience et de transformation. En 2006, ce choix fait d’ailleurs l’objet d’un contentieux judiciaire, lorsque les proches de Martin intentent une action à la sortie du documentaire Infamous Times: The Original 50 Cent.

Malgré cette volonté de changement, Jackson ne tourne pas immédiatement le dos au trafic de drogue. À la même période, Kenneth "Supreme" McGriff, libéré en 1995, tente brièvement une reconversion dans la production cinématographique avant de replonger dans des activités criminelles. 50 Cent, alors jeune dealer en pleine ascension, refuse de s’associer à McGriff et à la maison de disques Murder Inc., soupçonnée de servir au blanchiment d'argent. Cette prise de distance attise les tensions : McGriff, soucieux de consolider son empire, voit en Jackson une menace. La rivalité s’envenime lorsque 50 Cent entre en conflit avec plusieurs figures proches de Murder Inc., notamment Ja Rule, alors au sommet de sa carrière.

50 Cent, arrêté à 18 ans pour trafic de drogue

Le lieu où 50 Cent a été grièvement blessé lors d’une fusillade en mai 2000, juste à côté du pavillon de ses grands-parents. Cet événement dramatique, qui faillit lui coûter la vie, a profondément marqué son parcours et transformé son image publique. | © DR

En 1999, 50 Cent enregistre Ghetto Qur'an, un morceau qui circule dès 2000. Il y retrace l’histoire du trafic de drogue dans le South Jamaica, nommant explicitement Kenneth McGriff, Gerald "Prince" Miller et d’autres figures du milieu. Il rappe notamment : « Yo, quand vous entendez parler du Southside, vous entendez parler de l’équipe. Voyez, les n****s craignaient le Prince et respectaient Preme. » Cette mention publique de noms liés au crime organisé est perçue comme une violation du code de la rue. La réaction ne tarde pas.

Le 24 mai 2000, deux mois après une altercation avec des associés de Murder Inc., 50 Cent est pris pour cible devant la maison de sa grand-mère dans le Queens. Neuf balles d’un pistolet 9 mm l’atteignent au bras, aux jambes, à la hanche, au torse et à la joue. Il survit miraculeusement à cette tentative d’assassinat, malgré des blessures graves, dont une à la mâchoire qui altère définitivement sa voix. Hospitalisé pendant deux semaines, il se réfugie ensuite dans les monts Pocono, en Pennsylvanie, pour une convalescence de cinq mois.

50 Cent, arrêté à 18 ans pour trafic de drogue

Mc Griffin (à gauche) et Darryl "Homo" Baum (à droite) — surnommé ainsi pour "homicide" — est un ancien garde du corps de Mike Tyson et l’auteur présumé de la fusillade dont 50 Cent a été victime en mai 2000. | © DR

L’auteur présumé de la fusillade est Darryl Baum, un proche du boxeur Mike Tyson et ancien membre de la Supreme Team. Trois semaines après l’attaque, Baum est lui-même abattu. Selon plusieurs sources, la fusillade aurait été commanditée par des membres de l’organisation de McGriff en représailles à la chanson Ghetto Qur'an. Cet épisode marque un tournant décisif : au sortir de cette épreuve, 50 Cent adopte une posture encore plus déterminée. Son style, durci par l’expérience, capte l’attention d’Eminem et Dr. Dre, qui décident de le signer chez Shady/Aftermath Records. Ce traumatisme devient ainsi le socle d’une ascension fulgurante.

50 Cent, de dealer à rappeur célèbre puis homme d'affaires

Un tournant décisif dans la vie de Curtis Jackson survient le 13 octobre 1996, avec la naissance de son fils Marquise, issu de sa relation avec Shaniqua Tompkins. Cette paternité marque un choc salutaire : conscient des risques inhérents à ses activités illégales, Jackson choisit de s’en éloigner pour se consacrer pleinement à la musique. Il entrevoit dans le rap une voie de rédemption, à la fois personnelle et sociale, et un moyen de rompre avec la spirale de violence qui l’entoure. Cette prise de conscience oriente définitivement ses ambitions vers une carrière artistique, bien que son entourage reste marqué par une certaine instabilité.

50 Cent, arrêté à 18 ans pour trafic de drogue

Marquise Jackson, premier fils de 50 Cent, né en 1996, a longtemps représenté une source de motivation pour son père, avant que leur relation ne se détériore. | © DR

Néanmoins, les liens entre 50 Cent et son fils aîné se sont profondément détériorés avec le temps. Leur relation, jadis fondée sur une volonté de rupture avec le passé, s’est progressivement envenimée, jusqu’à l’éloignement. Leurs différends, largement médiatisés, s’articulent autour de questions financières et de rancunes familiales. Marquise a critiqué publiquement le soutien de son père, estimant que les 6 700 dollars mensuels de pension alimentaire étaient insuffisants pour vivre décemment. De son côté, 50 Cent affirme que son fils a été influencé par sa mère, nourrissant un ressentiment durable. Malgré des appels à la réconciliation émanant de Marquise, Curtis Jackson a rejeté toute tentative de rapprochement, y voyant davantage une recherche d’attention qu’un désir sincère de renouer.

À l’inverse, l’artiste entretient une relation affective beaucoup plus apaisée avec son deuxième fils, Sire Jackson, né le 1er septembre 2012 de son union avec Daphne Joy. Dès son plus jeune âge, Sire participe à des campagnes publicitaires, comme celle de la marque de téléphones Kidz, engrangeant des revenus importants. 50 Cent affiche régulièrement leur complicité sur les réseaux sociaux et s’implique activement dans l’éducation de son cadet. Il affirme vouloir construire un héritage à son attention, notamment en l’intégrant à ses projets entrepreneuriaux — une prise de position qui a suscité la critique, certains y voyant une exclusion explicite de Marquise dans la transmission patrimoniale.

50 Cent, arrêté à 18 ans pour trafic de drogue

Né en 2012, Sire Jackson, deuxième fils de 50 Cent, est aujourd’hui au cœur de ses projets familiaux et professionnels, incarnant un lien fort entre père et fils. | © DR

Au fil des années, 50 Cent a su capitaliser sur sa notoriété pour bâtir un véritable empire. Son investissement précoce dans Vitaminwater lui a permis de réaliser une plus-value considérable lors de la revente de la marque à Coca-Cola. Il fonde également G-Unit Films & Television, à l’origine de séries télévisées populaires telles que Power, consolidant ainsi sa place dans l’industrie du divertissement. Ses autres initiatives, comme SMS Audio (casques audio) ou SMS Promotions (promotion de boxe), témoignent d’une volonté de diversification et d’un esprit entrepreneurial aiguisé. Malgré une déclaration de faillite en 2015, Jackson est parvenu à redresser sa situation financière, illustrant son pragmatisme et sa résilience. Aujourd’hui, il incarne bien davantage qu’un ancien rappeur : 50 Cent est un entrepreneur influent, qui a su transformer chaque épreuve en levier de succès.