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Lire plusLe Dragonnier de Socotra et sa résine légendaire, le sang-de-dragon
Considéré comme l'arbre national du Yémen, le Dragonnier de Socotra, facilement reconnaissable en raison de apparence insolite, doit son nom à la couleur sanglante de sa sève rouge nommée « sang-de-dragon ».
Un arbre endémique de l'île de Socotra
L’archipel de Socotra se situe dans le nord-ouest de l’océan Indien, près du golfe d’Aden. En raison de sa grande diversité végétale et animale, l'archipel yéménite est inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 2008. En effet, Socotra recèle des centaines d'espèces endémiques et dont certaines ont de quoi intriguer. C'est le cas du Dragonnier de Socotra.
Description, répartition et habitat du Dragonnier de Socotra (Dracaena cinnabari)
Un des rares arbres de l’île de Socotra, ce dragonnier pousse en altitude, plus précisément entre 150 et 1 600 m, dans des régions montagneuses fréquemment enveloppées de brouillards. L'arbre sang-de-dragon possède une apparence unique, étant doté d'une sorte de couronne retournée et densément tassée lui donnait la forme d'un parapluie tenu verticalement.
Pouvant mesurer jusqu'à 12 mètres de haut, son feuillage persistant pousse de façon quelque peu insolite : les feuilles ne se développent qu'à l'extrémité des branches les plus jeunes en pointant vers le ciel. Sa silhouette étrange est en revanche parfaitement adaptée aux conditions arides de Socotra. En effet, la couronne de feuilles permet au dragonnier de capter la pluie et l'humidité de l'air pour la rediriger vers les branches et le tronc, tout en réduisant l'évaporation. Son ombre contribue à la survie des semis poussant sous l’arbre adulte, offrant également un refuge pour les nids d’espèces d’oiseaux endémiques à l’île, comme la buse, le hibou petit-duc ou l’étourneau de Socotra.
Firmihin, la dernière forêt de dragonniers de Socotra | © Clemens Schmillen.
Firmihin, signifiant les « femmes » en langue socotri, est la dernière forêt de dragonniers de Socotra, située à l'est du canyon du Dirhur au sein du plateau de Diksam (ou plateau de Dixam). Ce lieu majestueux d'environ 540 hectares, préservé des activités humaines, possède la plus forte concentration d'arbres à sang-de-dragon de toute l'île avec pas moins de 28 000 dragonniers adultes âgés de 500 à 1 000 ans.
Feuilles, fruits et sève du Dragonnier de Socotra
Mesurant jusqu'à 60 cm de long sur 3 cm de large, les feuilles du Dragonnier de Socotra tombent au bout de 3 ou 4 ans, à mesure que de nouvelles feuilles mûrissent simultanément. Ses fruits se présentent sous la forme de petites baies charnues contenant entre 1 et 4 graines de 4 à 5 mm de diamètre pour un poids moyen de 68 mg. Au fil de leur développement, les baies du dragonnier passent du vert au noir, puis enfin à l'orange une fois arrivées à maturité.
Mais sa singularité la plus étrange réside certainement dans sa résine rougeâtre, le sang-de-dragon. C'est d'ailleurs cette substance encore très recherchée qui lui vaut son nom. Selon la mythologie grecque, l'un des douze travaux d'Hercule (ou plutôt Héraclès) consistait à voler les pommes d'or du jardin des Hespérides gardées par le terrifiant Ladon, un dragon à cent têtes. Pour atteindre les fruits, Hercule, à l'aide d'un arc, tue la bête dont le sang se déverse alors au sol, donnant naissance à des dragonniers.
Sur l'utilisation millénaire de la sève sang-de-dragon
Reste que la légende du dragonnier ne s'arrête pas là, sa résine rouge pourpre étant très prisée depuis l'Antiquité dans la médecine traditionnelle pour ses propriétés antibactériennes et anti-inflammatoires. Autour du bassin méditerranéen, Grecs, Perses, Romain et Arabes l'utilisaient dans l'eau de gargarisme comme stimulant, mais aussi comme coagulant et astringent pour faciliter la cicatrisation des plaies, comme remède contre des maladies (la dysenterie notamment) et/ou faire baisser la fièvre. À noter que d'autres parties du Dragonnier de Socotra sont également appréciées des sociétés antiques : la racine pour le traitement des rhumatismes ou en tant que gomme-résine pour renforcer les poutres sur le toit des maisons ; les feuilles sont carminatives, favorisant l'expulsion des gaz intestinaux, tout en réduisant leur production.
En Europe, au cours du XVIIIe siècle, les luthiers italiens recourent à la sève du Dragonnier de Socotra comme source de vernis pour les violons. En raison de la croyance selon laquelle il s'agit du sang du dragon, les autochtones, avant leur conversion à l'islam, ont longtemps utilisé la sève sang-de-dragon lors de rituels animistes et dans l'alchimie. Aujourd'hui encore, le sang-de-dragon est employé par les habitants de Socotra à des fins diverses : teindre la laine, coller des poteries, rafraîchir l'haleine, produire du rouge à lèvres et même du dentifrice !
Dragonnier de Socotra, une espèce menacée
Si des cyclones ont déracinés environ 4 200 spécimens en 2015, la menace la plus sérieuse provient des activités humaines avec l'augmentation de la population et le développement du secteur touristique dans l'archipel de Socotra. L'abandon des pratiques agricoles traditionnelles engendre sur l'île un surpâturage dangereux pour l'arbre emblématique du Yémen. En effet, l'alimentation du bétail de plus en plus nombreux de l'île nécessite logiquement plus de fleurs et de fruits du dragonnier. De plus, les troupeaux de Caprins (chèvres et moutons) broutent les bourgeons et les moindres petites pousses de plantes.
Or, la croissance des dragonniers de Socotra est très lente : il faut compter une centaine d’années à cet arbre pour arriver à l’âge adulte. Enfin, l’une des plus grandes menaces demeure l’assèchement progressif de l’archipel de Socotra, un processus continu depuis le siècle dernier. Ce changement climatique entraîne peu à peu la disparition des arbres car la durée de la brume et des nuages semble diminuer dans les zones montagneuses.