Daniel Son & Finn - Hair Brained Schemes (chronique, review, tracklist)

Hare Brained Schemes réunit le rappeur canadien Daniel Son et le producteur Finn pour un projet dense et incisif, publié le 4 octobre 2024 sous les labels RRC Music Co., Brown Bag Money et Gold Era. Ce nouvel opus, entièrement produit par Finn, s’inscrit dans la lignée du boom bap drumless contemporain, porté par une écriture acérée et des atmosphères brutes. Avec des featurings choisis comme Pro Dillinger, Lord Juco, Mooch ou Family Gang Black, l’album confirme la place de Daniel Son parmi les figures majeures de l’underground nord-américain.

Quatre ans après le très salué Dirty Dishes, Daniel Son et Finn reprennent du service avec Hare Brained Schemes, un projet qui cristallise parfaitement ce que le rap underground canadien sait produire de plus brut et de plus fascinant. Déjà fort de deux sorties remarquées cette année – Northside avec Raz Fresco puis Bushman Bodega aux côtés de Futurewave – le membre de Brown Bag Money s’impose une fois de plus comme l’un des MCs les plus constants et tranchants de sa génération. Pour l’occasion, il retrouve Finn, producteur phare de la scène torontoise, qui signe ici certaines de ses instrumentales les plus abouties depuis longtemps.

L’album s’ouvre sur “Femoral”, un morceau sombre où Daniel Son se décrit glacial au point de transformer la chair en glace, tandis qu’il dénonce ceux qui gaspillent leur temps comme s’ils avaient des vies supplémentaires à dépenser. D’entrée, le ton est donné : cru, menaçant, mais habité d’une lucidité glaciale. Sur “Missing Teeth”, Finn déploie un beat jazzy, minimal mais oppressant, sur lequel le rappeur affirme son emprise, littéralement le pied sur la nuque de ses rivaux.

Avec “Capital Gains”, l’atmosphère reste jazz boom bap, enrichie par un couplet solide de Pro Dillinger : le tandem avertit sur les choix de vie destructeurs qui peuvent briser des destins. Plus bref, “Dance of the Drunken Mantis” adopte un ton plus fantasque où Daniel Son rêve d’accumuler une fortune à la manière d’un “Bush Doctor Millionaire”.

Le disque prend ensuite un virage plus soulful avec “Clicqout Fountains”, véritable exercice de vantardise où Daniel Son s’affirme au-dessus de la concurrence, avant d’enchaîner avec “Courtleigh Chemist”, où il imagine refaire son parcours sans rien modifier – un manifeste d’intégrité. Sur “Chalk Brothers”, il partage le micro avec Lord Juco pour un morceau où l’exubérance côtoie la rugosité, chacun livrant des couplets incisifs. La même intensité se retrouve dans “Iron Leash” avec Family Gang Black, les deux rappeurs transformant leur douleur en moteur créatif, tout en soulignant l’écho international de leur musique.

La dernière ligne droite du projet maintient la densité. “Talon Claw” compare ses talents culinaires à ceux d’un chef français des années 60, métaphore filée sur l’artisanat de sa cuisine musicale. Plus introspectif, “Call Me” repose sur une production dépouillée sans batterie : Daniel Son y réaffirme sa conviction de laisser une trace indélébile dans l’histoire du rap. Le retour du boom bap se fait sentir sur “Sharing Needles”, en compagnie de Mooch, les deux MCs se présentant comme des prédateurs refusant toute fin prématurée. Enfin, “Fall Breeze” conclut l’album avec une touche plus personnelle, dédiée à celles et ceux qui restent chez eux le week-end, faute de moyens pour faire garder leurs enfants : une chute humaine et sensible, contrastant avec la noirceur qui domine l’ensemble.

Avec Hare Brained Schemes, Daniel Son et Finn livrent une suite à la hauteur de l’attente suscitée par Dirty Dishes. Le rappeur maintient une écriture dense et une énergie constante, tandis que le producteur démontre une nouvelle fois sa capacité à créer des paysages sonores sales, jazzy et lourds de sens. Les invités – Pro Dillinger, Lord Juco, Mooch ou Family Gang Black – ne font qu’amplifier l’intensité d’un projet qui ne connaît aucun temps mort. Mention spéciale également à la pochette signée Alejandro Torrecilla, qui capture parfaitement l’esthétique anarchique et brute de ce disque.

En 2024, Daniel Son aura donc enchaîné trois projets majeurs, sans jamais perdre en pertinence. Avec Hare Brained Schemes, il confirme non seulement son statut de figure de proue de l’underground canadien, mais aussi sa capacité à s’entourer des meilleurs pour livrer une œuvre tendue, imprévisible et viscérale.

Tracklist (liste des titres)