La forteresse de Palmanova, un joyau de l'art militaire

Située dans la région autonome du Frioul-Vénétie Julienne, dans le nord-est de l'Italie, la commune de Palmanova est célèbre pour sa forteresse dont le plan de base est ennéagonal, inspirant par la suite de nombreux architectes militaires à travers le continent européen.

Un ouvrage de défense vénitien datant du XVI^e siècle

En l'an 1521, la République de Venise signe le Traité de Worms (ou Diète de 1521) avec l'Autriche, mettant fin à une guerre longue et épuisante durant laquelle la Sérénissime perd la forteresse de Gradisca construite en 1511. Ces négociations diplomatiques établissent des frontières plutôt anormales, avec notamment des enclaves vénitiennes situées à l'intérieur des territoires attribués aux Habsbourg et des possessions autrichiennes identifiées au coeur du territoire vénitien. La République de Saint-Marc, alors particulièrement vulnérable le long de sa frontière orientale, fait face à un climat géopolitique très difficile en raison des incursions des Ottomans.

Plan de la forteresse Palmanova. | © Wikimedia Commons.

Le Sénat de la République décide de construire une forteresse non loin de la frontière avec les Habsbourg, dans une bande de terre comprise entre les villes fortifiées vénitiennes d'Udine et de Marano Lagunare. Une équipe d'ingénieurs et d'architectes militaires appartenant à l'Office des Fortifications de Venise participent à l'ambitieux projet, parmi lesquels le surintendant Giulio Savorgnan, le principal concepteur de la forteresse. Le 7 octobre 1593, la première pierre de la construction est posée et Marc'Antonio Barbaro est nommé premier surintendant de Palmanova. La date de la fondation de la ville forteresse n'est pas choisie au hasard, commémorant la victoire des forces européennes (dont vénitiennes) sur l'Empire ottoman lors de la bataille de Lépante le 7 octobre 1571.

Une cité forteresse qui comprend toutes les dernières innovations militaires de son époque

Conçue par l'architecte vénitien Vincenzo Scamozzi (1548-1616), Palmanova comporte toutes les dernières innovations militaires du XVI^e siècle. Surnommée la « ville étoilée » en raison de son plan polygonal formant une étoile à 9 branches, la forteresse novatrice est considérée comme imprenable. Afin d'assurer une défense efficace, trois types de fortifications entourent la ville : le rempart, les bastions (placés entre chaque pointe de l'étoile) et les douves. Au centre se trouve la Piazza Grande, la place principale de Palmonova, uniquement accessible via trois portes monumentales – appelées Aquilée, Udine et Cividale – qui en contrôlent les entrées.

Porta Cividale, l'une des trois portes monumentales menant au centre historique de Palmanova. | © Zairon

Il s'agit de l'une des plus grandes réalisations de l'architecture militaire européenne. La construction du premier cercle, d'une circonférence totale de 7 kilomètres, s'étale sur plus de trois décennies. La deuxième phase de construction s'effectue entre 1658 et 1690. Enfin, les fortifications extérieures sont achevées pendant la période napoléonienne entre 1806 et 1813. Le résultat final est impressionnant, la forteresse se composant de neuf ravelins, neuf bastions, neuf lunettes et dix-huit cavaliers. À noter que le nombre de bastions et la longueur des flancs de la forteresse sont établis en fonction de la portée des canons de l'époque.

La Piazza Grande, la place principale du centre de Palmonova. | © Zairon

De 1815 à 1866, la ville passe sous domination autrichienne. C'est au cours de cette période qu'est construit le Théâtre Social. En 1848, une insurrection menée par le général italien Carlo Zucchi, alors prisonnier dans la forteresse de Palmanova, prend le contrôle de la ville. Cependant, après un long siège, le soulèvement prend fin et les Autrichiens redeviennent maîtres de la cité. Finalement, Palmanova est rattachée à l'Italie en même temps que la Vénétie et le Frioul occidental en 1866. Pendant la Première Guerre mondiale, la forteresse devient un centre de tri et de ravitaillement pour les troupes italiennes, ainsi qu'un hôpital de campagne.

Un concept de ville idéale de la Renaissance inscrit au patrimoine mondial

La forteresse Palmanova est incontestablement l'un des ouvrages défensifs les plus remarquables de la Sérénissime, la période la plus importante de la longue histoire de la République vénitienne. Joyau de l'art militaire, la forteresse de Palmanova est également construite selon les idéaux inspirés par les écrits de l'humaniste anglais Thomas More au sein de son ouvrage phare intitulé Utopia. L'auteur y décrit notamment les caractéristiques physiques d'une ville idéale ainsi que la vie de ses habitants où règne la perfection tant sociétale que visuelle.

Vue aérienne de Palmanova | © Municipalité de Palmanova

Palmanova est construite sur la base des canons mathématiques et géométriques de la Renaissance. | © DR

Construite sur la base des canons mathématiques et géométriques de la Renaissance, Palmanova est proclamée monument national suite à un décret du Président de la République italienne en 1960. Elle fait ensuite partie des six sites classés au patrimoine mondial de l'UNESCO en 2017, parmi les Ouvrages de défense vénitiens du XVIe au XVIIe siècle : Stato da Terra - Stato da Mar occidental, partagés entre l'Italie, la Croatie et le Monténégro.

Véritable ville forteresse modèle, les techniques et l’architecture de Palmanova sont par la suite reprises par de nombreux architectes militaires dans la conception des fortifications qui allaient se répandre dans toute l’Europe les siècles suivants, dont la commune française de Neuf-Brisach.