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Sigiriya : La cité ancienne entre ciel et terre

 
SITUATION : Province centrale, district de Matale, Sri Lanka
COORDONNÉES GÉOGRAPHIQUES :
N7 57 0 E80 45 0
ANNÉE DE CONSTRUCTION : Ve siècle
INSCRIPTION AU PATRIMOINE MONDIAL : 1982
PRÉSERVATION : bonne
TYPE : Bien culturel
ZONE DU BIEN :
  • Bien : 1 600 hectares
  • Zone tampon : 2 500 hectares
Sommaire

La ville ancienne de Sigiriya, souvent surnommée le « Rocher du Lion », est l'un des sites archéologiques les plus impressionnants du Sri Lanka. Nichée au sommet d'un rocher de 180 mètres de haut, Sigiriya est un site d'une beauté et d'une richesse historique incomparables, inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1982.

Description

Sigiriya se trouve dans la région centrale du Sri Lanka, à environ 160 kilomètres au nord-est de Colombo. Le site est dominé par un immense monolithe rocheux, visible à des kilomètres à la ronde. Au sommet de ce rocher se trouvent les vestiges d'un ancien palais royal, entouré de jardins, de réservoirs et de systèmes de fortifications. La particularité de Sigiriya réside dans son intégration harmonieuse avec la nature : les jardins aquatiques, les fresques murales, et les miroirs polis témoignent de l’avancée technologique et artistique de la civilisation qui l’a édifiée.

Architecture et urbanisme sophistiqués de Sigiriya

En 1831, lors d'une expédition depuis Pollonnuruwa, le major Jonathan Forbes du 78e régiment d'infanterie britannique découvre le rocher de Sigiriya, jusque-là enfoui sous la végétation. Ce site éveille rapidement l'intérêt des antiquaires et des archéologues. Les premières investigations sérieuses sont entreprises dans les années 1890, avec notamment Harry Charles Purvis Bell, le premier commissaire d'archéologie à Ceylan, jouant un rôle central dans l'étude approfondie de Sigiriya. Cependant, ce n'est qu'en 1982, à l'initiative du gouvernement sri-lankais, que des fouilles à grande échelle sont réalisées, dévoilant l'ensemble du site.

La ville ancienne de Sigiriya. | © DR

La ville ancienne de Sigiriya se trouve perchée au sommet d'une imposante colonne de granit, s'élevant à environ 180 mètres de hauteur. | © Harsha Samaranayake

Sigiriya, édifiée au Ve siècle par le roi Kashyapa, est une ancienne forteresse dont les ruines témoignent de sa grandeur passée. On y trouve les vestiges d'un palais au sommet d'une imposante colonne de granit, s'élevant à environ 180 mètres de hauteur, une terrasse intermédiaire comprenant la porte des Lions et le mur des Miroirs, ainsi que des palais inférieurs intégrés aux pentes environnantes. Les systèmes défensifs et les jardins entourant le rocher sont équipés de dispositifs hydrauliques sophistiqués, dont certains fonctionnent encore aujourd'hui. Le plan d'urbanisme de Sigiriya, remarquable par son mélange de symétrie et d'asymétrie, est l'un des plus avancés du premier millénaire. À l'ouest, un parc royal symétrique et un réservoir artificiel au sud en sont des exemples notables. Le site est sécurisé par cinq portes, dont une, plus ornée à l'ouest, est probablement destinée à la famille royale.

Fresques des « Demoiselles de Sigiriya »

Les parois rocheuses de Sigiriya sont réputées pour les fresques des « Demoiselles de Sigiriya », représentant des figures féminines d'une grande beauté. Ces personnages, souvent interprétés comme des divinités ou des membres de la cour royale, sont parmi les rares œuvres d'art de l'Antiquité sri lankaise encore visibles aujourd'hui, bien que certaines fresques aient partiellement disparu avec le temps.

Jusqu'à 500 femmes auraient été peintes, mais la majorité a disparu avec le temps. | © Prof Ranga Sai

Filles des nuages à Sigiriya, photographiées en 1970. | © Schnobby

En 1907, l'archéologue et auteur britannique John Still (1880–1941) décrivait la paroi de Sigiriya comme une immense galerie de peintures, potentiellement la plus grande du monde à l'époque. Les fresques recouvraient autrefois une large portion de la face ouest du rocher, s'étendant sur 140 mètres de long et 40 mètres de haut. Des graffitis anciens mentionnent jusqu'à 500 femmes représentées dans ces peintures, bien que la majorité ait disparu au fil du temps. D'autres fresques, différentes de celles de la paroi principale, sont visibles dans divers lieux de Sigiriya, notamment sur le plafond de la grotte appelée « Cobra Hood Cave ».

Les fresques des « Demoiselles de Sigiriya » représentent des figures féminines d'une grande beauté. | © Dschen Reinecke

Les demoiselles de Sigiriya. | © DR

Bien que les fresques soient souvent attribuées à la période d'Anuradhapura, leur style pictural est distinct et se caractérise par des lignes qui accentuent le volume des figures. La technique employée consiste en des coups de pinceau avec une pression plus marquée d'un côté, créant un dégradé de couleur vers les bords. Ce style se différencie des autres œuvres de la période d'Anuradhapura, où les lignes de démarcation sont plus nettes. L'identité des femmes représentées demeure incertaine, certains chercheurs pensent qu'il s'agit de dames royales, tandis que d'autres suggèrent qu'elles participaient à des rituels religieux. Ces fresques partagent également des similitudes avec les peintures des grottes d'Ajanta en Inde.

Le mur des miroirs et la poésie ancienne de Sigiriya

Le Mur des Miroirs de Sigiriya, autrefois si bien poli que le roi pouvait y voir son reflet en marchant, est construit en briques et recouvert d'un enduit blanc lisse. Désormais, il est couvert de graffitis laissés par des visiteurs, certains datant du VIIIe siècle, mais la plupart du IXe et Xe siècles. Ces inscriptions, rédigées par des poètes, des gouverneurs et de simples citoyens, sont la seule trace de poésie connue de l'époque d'Anuradhapura.

À l'intérieur du Mur des Miroirs se trouvent les écrits des anciens habitants de Sigiriya. Les escaliers en spirale mènent à la grotte où sont peintes les fresques. | © Jalo

Un exemple typique de ces poèmes fait usage de jeux de mots pour exprimer l'impatience du poète à recevoir des nouvelles de sa bien-aimée, la comparant à l'attrait d'une abeille pour les fleurs de lotus. Parmi les plus de 1500 poèmes retrouvés, la majorité est dédiée aux femmes des fresques, où les hommes louent leur beauté et les femmes expriment leur jalousie.

Les Jardins de Sigiriya : Eau, Rochers et Terrasses

Les jardins de Sigiriya se composent de trois types distincts mais interconnectés : les jardins d'eau, les jardins de rochers, et les jardins en terrasses.

Jardins d'eau

Les jardins d'eau, situés au centre de la zone ouest, se composent de trois sections principales. Le premier est une parcelle entourée d'eau, accessible par quatre chaussées reliées par des passerelles. Le second présente deux grands bassins rectangulaires le long du chemin, avec des fontaines en calcaire encore fonctionnelles, surtout pendant la saison des pluies. Autour, des îles accueillent les vestiges de palais d'été. Le troisième jardin, plus élevé, abrite un bassin octogonal avec un podium, bordé à l'est par le mur de la citadelle.

Les jardins aquatiques, aménagés de manière symétrique sur un axe est-ouest, sont reliés au fossé extérieur à l'ouest et au grand lac artificiel au sud du rocher. Les bassins sont connectés par des conduites souterraines alimentées par le lac et les douves. Un petit jardin aquatique récemment découvert à l'ouest du premier jardin semble dater de la période postérieure à Kashyapa, probablement entre le Xe et le XIIIe siècle.

Le deuxième jardin d'eau comprend deux bassins longs et profonds disposés de chaque côté du chemin. | © Shoka

Une des piscines des jardins d'eau de Sigiriya. | © DR

Le système de gestion de l'eau des jardins est particulièrement ingénieux pour le Ve siècle. Un réservoir situé à plus de dix kilomètres alimente le site par une canalisation souterraine avec une pente extrêmement faible de 1 sur 20 000. Les Cinghalais de l'époque ont ainsi démontré une maîtrise exceptionnelle des techniques hydrauliques, surpassant les premières réalisations européennes en matière de jets d'eau, comme ceux de Versailles, qui ne seront réalisés que plusieurs siècles plus tard.

Un autre exploit technique remarquable est l'acheminement de l'eau jusqu'au sommet du rocher, à plus de 350 mètres au-dessus du réservoir. Grâce à un système sophistiqué de citernes et de gestion de la pression, l'eau montait sans intervention humaine pour remplir une grande citerne au sommet. Cette citerne alimentait ensuite une piscine, et l'excès d'eau était dirigé vers une citerne plus petite, fournissant ainsi l'eau nécessaire aux jardins et aux bâtiments.

Jardins de rochers

Les jardins de rochers, qui s'étendent des pentes nord aux pentes sud autour du rocher de Sigiriya, sont constitués de gros rochers reliés par des sentiers sinueux. Certains de ces rochers supportaient autrefois des bâtiments ou des pavillons, comme en témoignent les fondations taillées dans la pierre. Ils pouvaient également avoir servi à des fins défensives, étant précipités du sommet pour repousser les envahisseurs.

Vues des jardins depuis le sommet de Sigiriya. | © DR

Jardins en Terrasses

Les jardins en terrasses sont aménagés sur les pentes naturelles à la base du rocher de Sigiriya. Une série de terrasses en briques suit un plan concentrique autour du rocher, formant un escalier en calcaire qui mène au chemin d'accès principal. Ce parcours serpente à travers les terrasses pour atteindre l'escalier du lion, point culminant de l'ascension vers le sommet de Sigiriya.


Histoire

Située au cœur du Sri Lanka, l'ancienne cité de Sigiriya est habitée depuis la préhistoire, comme le montre l'abri sous roche d'Aligala datant du mésolithique, vers 3000 avant J.-C. Dès le IIIe siècle avant J.-C., des moines bouddhistes s'installent dans la région, utilisant les grottes et abris naturels comme monastères. Ces lieux sont souvent ornés de sculptures et d'inscriptions rupestres, servant de résidences aux moines.

L’histoire de Sigiriya prend une tournure fascinante à la fin du Ve siècle après J.-C., sous le règne du roi Kashyapa I (477-495 après J.-C.). Fils illégitime du roi Dhatusena, Kashyapa s'empare du trône en renversant et assassinant son père, avec l'aide du commandant de l'armée Migara. Mais, craignant la vengeance de son demi-frère Moggallana, l'héritier légitime alors réfugié en Inde, Kashyapa décide de transférer sa capitale à Sigiriya afin de sécuriser son pouvoir. Il fortifie cette citadelle naturelle, la transformant en une forteresse complexe et imprenable.

Vue aérienne de Sigiriya réalisée avec un drone. | © Binuka poojan / Wikimedia Commons

Sous le règne de Kashyapa, Sigiriya devient non seulement une forteresse militaire mais aussi un centre artistique et culturel majeur. Les ingénieurs royaux y conçoivent des systèmes sophistiqués de gestion de l'eau, des jardins ornementaux, et un palais somptueux au sommet du rocher. Une immense porte en forme de lion est érigée à mi-hauteur, donnant au site le nom de Siṃhagiri, le « rocher du lion ».

Cependant, le règne de Kashyapa prend fin lors d'une bataille décisive contre Moggallana en l'an 495. Abandonné par ses troupes, Kashyapa se suicide sur le champ de bataille, et Sigiriya perd son statut de capitale. Après sa chute, la ville est brièvement utilisée comme monastère bouddhiste jusqu'au XIVe siècle, avant d'être définitivement abandonnée.

La Porte des Lions de Sigiriya et l'ascension finale. | © DR

Redécouvert par les Britanniques au XIXe siècle, Sigiriya est aujourd'hui reconnue comme l'un des exemples les mieux préservés de la planification urbaine ancienne et reste un témoignage fascinant du passé tumultueux du Sri Lanka.


Préservation

La ville ancienne de Sigiriya, classée au patrimoine mondial de l'UNESCO, est protégée par deux zones distinctes : le site archéologique proprement dit et une zone tampon. Ces zones englobent à la fois le site historique et ses environs, afin de préserver le cadre historique et naturel de Sigiriya. Le site est géré par le Département d'archéologie du Sri Lanka, qui effectue des travaux de restauration. Des efforts considérables sont déployés pour préserver les fresques et les structures architecturales. La sauvegarde des fresques reste un défi majeur en raison de leur vulnérabilité aux intempéries.

Les chercheurs s'appuient sur des techniques modernes de conservation pour préserver les peintures murales et les sculptures de pierre. La gestion du site inclut également la préservation de l'écosystème environnant, comprenant les jardins aquatiques et les réservoirs, qui représentent des exemples rares d'architecture paysagère antique.

Le rocher de Sigiriya vu du ciel. | © dronepicr

Le site fait l’objet de recherches continues pour approfondir la compréhension de sa structure, de son histoire et de son rôle dans l'histoire ancienne du Sri Lanka. Des initiatives éducatives et des programmes de sensibilisation sont en place pour encourager la communauté locale et les visiteurs à participer activement à la conservation de ce patrimoine unique.

La ville ancienne de Sigiriya n'est pas seulement un témoignage de l'architecture et de l'ingénierie avancées du Sri Lanka antique, mais elle est aussi un symbole du pouvoir, de l'art et de l'histoire du pays. Grâce aux efforts de préservation, Sigiriya continue d'émerveiller les visiteurs du monde entier, tout en offrant un aperçu précieux du passé glorieux du Sri Lanka.

Références bibliographiques :

  • Senake Bandaranayake, Sigiriya: City, palace, and royal gardens, Central Cultural Fund, Ministry of Cultural Affairs, 1999.
  • Senake Bandaranayake and Madhyama Aramudala, Sigiriya: City, Palace, Gardens, Monasteries, Painting, Central Cultural Fund, 2005
  • Senani Ponnamperuma, The Story of Sigiriya: History of Sigiriya, Nsm Ponnamperuma; 3rd Revised ed., 2017.
  • "Sigiriya", Encyclopedia Britannica.
  • "Ancient City of Sigiriya" - UNESCO World Heritage Centre.