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Lire plusComprendre les marées : Terre, Lune et Soleil en interaction
Les marées, ces oscillations régulières du niveau des mers et océans, sont bien plus qu’un simple phénomène observable le long des côtes. Elles résultent d'une interaction gravitationnelle complexe entre la Terre, la Lune et le Soleil, modulée par la rotation terrestre. En Europe et en Amérique du Nord, les données scientifiques les plus récentes montrent que les marées jouent un rôle clé dans les écosystèmes côtiers, les économies locales et les dynamiques climatiques.
Comment fonctionne le phénomène des marées ?
Les marées sont un phénomène naturel captivant, fruit d’un subtil équilibre entre les forces gravitationnelles, les mouvements des astres et la dynamique des océans. Pour bien comprendre ce mécanisme, il faut d’abord examiner le rôle des forces qui entrent en jeu :
- L'attraction de la Lune : La force gravitationnelle de la Lune attire l’eau des océans vers elle, créant un "bourrelet" d’eau sur la face de la Terre orientée vers la Lune.
- La force centrifuge : Sur la face opposée de la Terre, une marée haute se forme également, mais cette fois en raison de la force centrifuge générée par la rotation du système Terre-Lune autour de leur barycentre (centre de gravité commun).
Ces deux forces combinées donnent lieu à deux marées hautes et deux marées basses par jour sur la majorité des côtes terrestres. Cependant, la Lune n’est pas le seul astre à influencer les marées. Le Soleil, bien qu’il soit beaucoup plus éloigné, exerce également une force gravitationnelle significative qui module l’effet de la Lune. Selon les positions relatives de la Terre, de la Lune et du Soleil, deux types de marées peuvent être observés :
- Marées de vive-eau : Lorsque la Terre, la Lune et le Soleil sont alignés (pendant la nouvelle ou la pleine Lune), leurs forces gravitationnelles se combinent, provoquant des marées exceptionnellement hautes, appelées « vives-eaux ».
- Marées de morte-eau : Lorsque la Lune forme un angle droit avec la Terre et le Soleil (pendant les premiers et derniers quartiers de Lune), leurs forces s'annulent partiellement, engendrant des marées de faible amplitude, appelées « mortes-eaux ».
Ce diagramme montre que les marées hautes, sous l'influence de la Lune, se forment au point sublunaire (face de la Terre orientée vers la Lune) et à son antipode (face de la Terre opposée à celle tournée vers la Lune). | © Atlasocio.com
La géographie locale joue également un rôle essentiel dans la variation des marées. Ainsi, la configuration des côtes peut amplifier les marées, comme dans les baies en forme d’entonnoir, à l’exemple de la baie de Fundy au Canada ou de la baie du Mont-Saint-Michel en France. À l’inverse, dans les mers peu profondes comme la Méditerranée ou la mer Baltique, les marées sont plus faibles, car le volume d’eau à déplacer y est moindre.
Par ailleurs, certaines régions du globe, comme l’océan Indien ou le Pacifique, présentent des points amphidromiques. Ce sont des zones où les marées tournent autour d’un point de faible amplitude, entraînant des variations quasi nulles. Enfin, les marées ne se limitent pas à un simple mouvement d’eau ; elles reflètent un ballet cosmique permanent entre la Terre, la Lune et le Soleil, qui a des implications profondes. Ce phénomène, stable depuis des milliards d'années, joue un rôle crucial dans la régulation de la rotation terrestre et influence directement la vie marine ainsi que les écosystèmes côtiers.
Les marées en Europe : Une diversité d’amplitudes et d’effets
En Europe, la variation des marées est principalement déterminée par la configuration des côtes et la profondeur des fonds marins. Les mers semi-fermées, comme la Méditerranée et la Baltique, présentent des amplitudes modestes, tandis que l’Atlantique Nord est le théâtre de marées parmi les plus spectaculaires au monde. Les principales régions maritimes européennes se distinguent ainsi :
- Océan Atlantique : Les côtes britanniques et françaises, en particulier autour de la baie du Mont-Saint-Michel, connaissent des marées pouvant dépasser 10 mètres d'amplitude. Ces variations impressionnantes modèlent les écosystèmes locaux et soutiennent des activités économiques essentielles comme l’ostréiculture et la pêche.
- Mer du Nord : Cette région, marquée par de fortes marées, voit ses estuaires et bassins côtiers particulièrement impactés. Aux Pays-Bas, par exemple, des infrastructures avancées telles que des digues et des barrages sont indispensables pour protéger les terres basses des inondations marines.
- Mer Baltique : Ici, les marées sont faibles, avec des amplitudes généralement inférieures à 20 centimètres. Malgré leur faible intensité, elles influencent la salinité et les courants locaux, jouant un rôle clé dans la biodiversité et les écosystèmes marins.
Les marées en Europe : des amplitudes extrêmes dans l’Atlantique Nord jusqu’à des variations quasi nulles en Méditerranée et en Baltique. | © Perrin Remonté
L’infographie ci-dessus, réalisée par le cartographe Perrin Remonté, illustre la grande diversité des régimes de marées en Europe. Les amplitudes les plus marquées se trouvent le long des côtes de l’Atlantique Nord, notamment dans la Manche et le golfe de Gascogne, où elles peuvent atteindre jusqu’à 12 mètres. À l’opposé, la Méditerranée et la mer Noire, en raison de leur configuration presque fermée, enregistrent des marées quasi inexistantes, souvent limitées à quelques centimètres. Ces observations soulignent l'importance des caractéristiques géographiques locales dans l’amplification ou l’atténuation des marées.
Au-delà de leur aspect spectaculaire, les marées ont un rôle structurant dans les littoraux européens. Les zones soumises à un fort marnage, comme les estuaires de l’Atlantique ou les plages de la mer du Nord, créent des habitats dynamiques qui favorisent la biodiversité marine. Par ailleurs, les marées constituent une source d'énergie renouvelable. L’usine marémotrice de la Rance, en France, illustre cet usage innovant, en se positionnant comme une pionnière mondiale dans l’exploitation de cette ressource.
Les marées en Amérique du Nord : Un éventail de phénomènes extrêmes
En Amérique du Nord, les marées offrent une diversité fascinante, variant largement selon les particularités géographiques et climatiques des régions côtières. Les principales zones concernées se distinguent par des phénomènes uniques :
- Baie de Fundy (Canada) : Détenant le record mondial des marées, cette baie peut enregistrer des amplitudes atteignant 16,5 mètres. Ce phénomène exceptionnel est dû à un effet de résonance naturelle, amplifié par la forme en entonnoir de la baie. Véritable hotspot de biodiversité, la baie de Fundy est également au cœur de projets exploitant l’énergie marémotrice grâce à des turbines innovantes.
- Alaska : Des régions comme le bras de Turnagain et l’inlet de Cook connaissent des marées extrêmes, dépassant souvent 12 mètres. Ces variations influencent les processus sédimentaires, la migration des espèces marines et les activités humaines, notamment la pêche et le transport maritime.
- Mer de Salish et Puget Sound : Dans cette région, les marées atteignent environ 4 mètres d’amplitude. Elles jouent un rôle crucial dans la régulation des écosystèmes estuariens, influencent les flux d’eau douce et soutiennent des activités comme la pêche et la conservation des habitats marins.
- Grands Lacs : Bien que constituant des masses d’eau douce, les Grands Lacs connaissent des marées extrêmement faibles (quelques centimètres), principalement dues à des phénomènes atmosphériques comme les variations barométriques et les seiches.
Les marées en Amérique du Nord : des records mondiaux dans la baie de Fundy et des variations marquées selon les côtes et bassins. | © Perrin Remonté
L’infographie ci-dessus offre une vue globale des amplitudes de marées en Amérique du Nord. Si la baie de Fundy se distingue par son record mondial, d’autres régions affichent également des variations notables, comme la baie d’Ungava et le golfe d’Alaska, où les marées peuvent atteindre 12 mètres. Le golfe de Californie présente également des amplitudes importantes, atteignant jusqu’à 7 mètres, influençant ainsi les écosystèmes locaux. À l’inverse, les Grands Lacs, avec leurs marées modestes de 4 à 5 centimètres, voient leurs variations souvent masquées par les conditions météorologiques locales. Ces disparités démontrent comment la géographie et la morphologie des bassins océaniques façonnent les régimes de marées.
Les changements climatiques, notamment l’élévation du niveau des mers et les altérations des régimes de vent, affectent progressivement les cycles de marées, en particulier sur les côtes densément peuplées d’Amérique du Nord, comme la côte est des États-Unis. Ces transformations augmentent les risques d’érosion, d’inondations et de submersions marines.
Les marées, tant en Europe qu'en Amérique du Nord, occupent une place centrale dans les dynamiques côtières, non seulement en tant que phénomène naturel spectaculaire, mais aussi en tant que régulateurs essentiels de la biodiversité, moteurs économiques locaux et facteurs influençant la sécurité des populations. Dans le contexte des changements climatiques, il apparait crucial de poursuivre la surveillance et l'approfondissement de notre compréhension des marées afin d'anticiper leurs impacts futurs et de protéger efficacement les écosystèmes ainsi que les communautés humaines.
Références bibliographiques :
- G. Godin, The Analysis of Tides, Liverpool University Press, 1972.
- R. W. G. Carter (dir.), Coastal Evolution: Late Quaternary Shoreline Morphodynamics, Cambridge University Press, 1997.
- D. Pugh and P. Woodworth, Sea-Level Science: Understanding Tides, Surges, Tsunamis and Mean Sea-Level Changes, Cambridge University Press, 2014.
- Données satellitaires et altimétrie marine, Aviso+, URL
- Données sur les marées et courants, NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), URL