Scientifiquement, le pétrichor est un liquide huileux sécrété par certaines plantes. © Pixabay

Sur le phénomène appelé « pétrichor », l’odeur de la pluie

 

Après chaque averse, une odeur particulière émane du sol mouillé et un sentiment agréable semble nous envahir. Il s’agit du phénomène olfactif nommé « pétrichor ».

L’origine du terme pétrichor

La chimiste Isabel Joy Bear et le minéralogiste Roderick G. Thomas, deux scientifiques australiens, sont les inventeurs du terme « pétrichor ». Ce néologisme anglophone apparaît en 1964, formé à partir du grec ancien pétra (« pierre ») et ikhṓr (« fluide, sang ») noteL’ichor désigne le sang des dieux dans la mythologie grecque.. Les deux chercheurs tentaient à cette époque d’expliquer le mystère de ce parfum terreux, produit quand la pluie s'abat sur un sol sec. La thématique de recherche était de comprendre pourquoi nous parvenons à « sentir » cette exhalaison reconnaissable parmi tant d’autres alors que l’eau qui tombe du ciel n’a aucune odeur ?

Une émanation odorante formée par plusieurs substances

Scientifiquement, le pétrichor est un liquide huileux sécrété par certaines plantes. Pendant les périodes sèches, le pétrichor est absorbé par les sols et les roches, d’où son nom signifiant « sang de pierre ». Mais pour que cette odeur parviennent à être discerner olfactivement, le liquide huileux doit d’une part se combiner avec la géosmine – molécule issue des bactéries du sol –, et d’autre part se mêler à d'autres composés tels que l’ozone et le 2-méthylisobornéol.

Ce n'est qu’en 2015 que le mécanisme du pétrichor est analysé par des chercheurs de l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT) source . Ayant pour dessein d’expliquer la manière dont l’odeur se diffuse dans l’air, les scientifiques américains ont filmé l’impact des gouttes d’eau sur 28 types de surfaces différents à l’aide de caméras haute vitesse. Cette expérience a démontré que lors des précipitations, la force de la pluie tombant sur le sol permet de diffuser dans l’atmosphère les divers composés volatils nécessaires à la création du pétrichor. En effet, quand une goutte de pluie atterrit sur une surface poreuse, de petites bulles remontent à la surface grâce à l’air des pores. Cela engendre la formation d’aérosols qui libèrent l’odeur du sol pour parvenir à nos sinus.

L’intensité et le parfum du pétrichor dépendent de l’endroit où les ondées se produisent : milieu urbain, zone forestière, chemin de campagne au sol argileux, etc. De ce fait, il existe autant de pétrichors que de surfaces battues par les averses. Aussi, les composés aromatiques diffèrent donc grandement entre l’asphalte d’une route et le sous-bois d’une forêt de conifères.

Une odeur qui marque durablement notre psychisme

Bien que restant peu de temps perceptible par nos sens olfactifs, le pétrichor marque pourtant durablement notre mémoire. Il nous est par exemple impossible d'oublier le parfum émanant du bitume fraichement arrosé lors d'une brève mais puissante ondée orageuse. Objectivement, rien n’explique pourquoi cette odeur nous évoque à la fois apaisement, joie ou encore nostalgie.

Il existe autant de pétrichors que de surfaces battues par la pluie.

Il existe autant de pétrichors que de surfaces battues par la pluie. | © Pixabay.

Des études ont toutefois suggéré que l'inhalation du pétrichor peut avoir des effets apaisants sur le système nerveux, réduisant le stress et favorisant la relaxation. Ce sentiment de satisfaction ressenti dès l’instant où nous respirons le pétrichor provient probablement du soulagement inconscient de notre organisme après un épisode de canicule relativement éprouvant. Cette odeur de terre humide, positive psychologiquement, rappelle sans doute combien l’eau est à la fois précieuse pour l’environnement et source de vie pour l’espèce humaine.

Perspectives et applications du pétrichor

Histoire et culture du pétrichor :
Dans certaines cultures, le pétrichor est associé à des rituels de purification ou de renouveau. Par exemple, dans la culture aborigène australienne, le pétrichor est considéré comme un signe de la terre qui se régénère après la sécheresse.

Le pétrichor dans l'art et la littérature :
De nombreux écrivains, poètes et artistes ont été inspirés par le pétrichor, le décrivant comme une expérience sensorielle profonde et émotionnelle. Des peintures, des poèmes et des chansons ont été créés pour capturer l'essence de cette odeur de pluie.

Impact environnemental et écologique :
Le pétrichor joue un rôle important dans le maintien de l'équilibre écologique en favorisant la germination des graines et en régulant le comportement des animaux. Sa présence est un indicateur de la santé des écosystèmes naturels.

Applications pratiques du pétrichor :
Certaines entreprises de parfumerie et d'aromathérapie utilisent le pétrichor comme ingrédient dans leurs produits pour capturer l'essence de la nature après la pluie. Des études sont en cours pour explorer ses applications potentielles dans le domaine de la santé mentale et du bien-être.

Références bibliographiques :

  • J. Isabel Joy Bear and Roderick G. Thomas, "Nature of argillaceous odour", Nature, vol. 201, no 4923, march 1964, p. 993-995
  • Isabel Joy Bear and Roderick G. Thomas, "Petrichor and plant growth", Nature, vol. 207, no 5005, september 1965, p. 1415–1416
  • E.H. Polak and J. Provasi, "Odor Sensitivity to Geosmin Enantiomers", Chemical Senses, vol. 17, 1992, pp. 23–26.
  • Deborah Bird Rose, Dingo Makes Us Human: Life and Land in an Australian Aboriginal Culture, Cambridge University Press, 2000.
  • Rachel S. Herz, "Aromatherapy Facts and Fictions: A Scientific Analysis of Olfactory Effects on Mood, Physiology and Behavior", International Journal of Neuroscience, vol. 119, no. 2, 2009, pp. 263–290. URL , consulté le 05/05/2024.
  • Karen Cerulo, "Scents and Sensibility: Olfaction, Sense-Making, and Meaning Attribution", American Sociological Review, vol. 83, no. 2, March 2018.
  • Paul G. Becher et al., "Developmentally regulated volatiles geosmin and 2-methylisoborneol attract a soil arthropod to Streptomyces bacteria promoting spore dispersal", Nature Microbiology, vol. 5, no 6, 2020, p. 821–829