Le Destin de Dona : La Rappeuse de Legal Hustle aux côtés de Cormega

Découverte sur la compilation de Cormega, Legal Hustle, en mai 2004, Dona semblait avoir un avenir prometteur. Son parcours dans le monde du hip-hop est à la fois captivant, mystérieux et poignant. Souvent associée à Cormega, cette rappeuse talentueuse a laissé une empreinte indélébile malgré son passage éphémère sur la scène musicale.

Les performances mémorables de Dona sur Legal Hustle

L'album Legal Hustle, sorti sur le label indépendant Koch Records, a présenté en 2004 un éventail de rappeurs renommés tels que Ghostface Killah, Large Professor, AZ, Kurupt, Jayo Felony, The Jacka, ainsi que d'autres, moins connus voire inconnus. Parmi les proches de Cormega, une figure a émergé : Dona. Son apparition inattendue au milieu de l'intro, portée par un sample percutant, a captivé les auditeurs avec son flow incisif et sa présence marquante. Certains ont même spéculé qu'elle pourrait être la prochaine Foxy Brown.

Dona sur scène en compagnie du rappeur Cormega. | © DR

Sur cet opus, Dona enchaîne les performances mémorables. Sa contribution à Legal Hustle, présente sur 6 des 17 titres, n’est pas anodine et a été saluée comme l'un des points forts de l'album. Elle a confirmé à l’époque son statut de rappeuse talentueuse et prometteuse, elle, la jeune femme latino de Brooklyn qui sortait tout droit de l’anonymat. Son style unique et ses paroles crues et poignantes ont touché de nombreux auditeurs, faisant d'elle une artiste respectée au sein de l’underground new-yorkais.

Analyse des paroles engagées de Dona sur Legal Hustle

Ainsi, Dona parvient à condenser une grande quantité de significations et d'émotions en seulement quelques mots. Son langage est direct et percutant, ce qui permet de transmettre efficacement les réalités difficiles auxquelles elle est confrontée et son attitude résolue face à ces défis. Chaque mot est soigneusement choisi pour exprimer une gamme d'émotions, allant de la lutte et de la vulnérabilité à la détermination et à la résilience. C'est la marque d'une écriture puissante et évocatrice, capable de susciter une réponse émotionnelle chez l'auditeur tout en transmettant un message fort et percutant.

The Bond

Les paroles de Dona transpirent la sincérité, la force de caractère mais aussi une sorte de détresse poignante, à l’instar de son couplet sur le titre "The Bond" :

Word to mother, you my blood, they hate on us
Evils try to do you in, but they never could win
Anything happen to you, I'm the next to kin
Hustle like a Mexican, monumental battles
In the shadows of a don, in the name of the son
We gonna rise above, can't critize a thug
In the search for the American dream
(…)
I promise to never leave, even under pressure
I won't talk, I'd rather die, on my bloody knees
You know me, jealousy's never been a factor
You my nigga, before and after the paper
A hundred new reasons for niggas to hate ya
Finally I find a place I call home
But the devil wanna strip me, takin' everything I own

Ce couplet est une déclaration de loyauté et de résilience. En commençant par une expression familière, l'orateur affirme un lien familial fort et rejette les critiques extérieures. Il exprime également sa détermination à rester fort face aux obstacles, symbolisée par sa comparaison à un travailleur acharné. Les références à l'ombre d'un « don » et à « son » peuvent suggérer un contexte criminel ou une lutte pour des valeurs morales, tandis que la mention du « rêve américain » souligne leur désir de réussite malgré les défis. En fin de compte, ce couplet évoque la résolution inébranlable de surmonter les épreuves et de défendre ceux qui leur sont chers.

Titres où Dona apparait sur la compilation Legal Hustle (2004) de Cormega

Personified

Un autre couplet marquant de Dona se trouve sur le titre "Personified", où la MC évoque une scène de son enfance, où elle observe sa mère, probablement confrontée à des difficultés et à la douleur, et exprime sa conviction que Dieu les aidera à traverser ces épreuves (I remember rocking the same jeans for the whole week; Staring at my mother, watching her drink her misery; Nothing for me to do, God'll see us through). Elle souligne ensuite sa résilience et sa force d'esprit face aux défis de la vie urbaine, affirmant sa détermination à briller même dans les moments les plus sombres (In the ghetto everybody's not me or you; I'm strong minded, the rest is blinded; Even through the darkest nights I shine like a diamond). Elle évoque également le contexte sonore du ghetto, avec des bébés pleurant et des chiens aboyant, mais trouve la lumière dans la musique de Marvin Gaye (Baby's crying, dogs barking, in the background you can hear Marvin; Singing the blues, some fights you win or you lose; To tell you the truth, I ain't into losing). Dona exprime son désir de succès et de prospérité, souhaitant que son grand-père décédé puisse être témoin de ses réalisations, tout en rendant hommage à Biggie et à Tupac (I swear, I wish my grandpops was here; To see his baby girl on top; In Heaven, I know you watching, the shit don't stop; Biggie and Pac, remember, forever; We all play hard together, let's get money together). Il s’agit d’une profonde réflexion sur la vie dans les quartiers défavorisés, où Dona révèle ainsi sa résilience, sa détermination et son espoir face à l'adversité.

Seules traces de Dona visibles sur le net depuis la sortie de Legal Hustle, deux vidéos de freestyle sur YouTube. | © Capture d'écran YouTube

Respect Me

Sur Legal Hustle, Dona a même le privilège d’avoir un titre solo, "Respect Me", où l'artiste exprime son attente de ce moment depuis des années, soulignant l'importance émotionnelle qu'il revêt pour elle. Elle affirme être motivée par quelque chose de plus grand que l'argent, soulignant les valeurs enseignées par sa mère, notamment de tirer le meilleur parti des moments difficiles. Elle affirme son refus d'être comme les autres qui ont tourné le dos à Dieu, et évoque les difficultés rencontrées au quotidien, mettant en lumière les luttes pour subvenir à ses besoins les plus fondamentaux (Dare to be nothing like them, they turned their backs on God; And he gave his only son, am I'm the only one whose keeping it real; We struggle everyday just to eat a decent meal). Elle exprime une réalité crue et brutale, mettant en lumière les défis et les dangers auxquels sont confrontés les individus vivant dans des environnements défavorisés. L'artiste parle de la nécessité de protéger sa famille et sa communauté, symbolisée par l'idée de maintenir un toit au-dessus de leur tête et de protéger ceux qui se battent pour la justice sociale, représentés ici par le groupe de rap Dead Prez (Keep a roof over our heads and over dead prez, they shooting at our heads; And either way, our children suffer from lead). Elle souligne les menaces constantes qui pèsent sur leur sécurité, illustrées par les violences armées et le risque d'intoxication au plomb, qui affectent particulièrement les enfants. Elle dénonce ceux qui préféreraient la voir échouer ou mourir plutôt que de la voir réussir. Malgré ces défis, elle affirme sa détermination à faire ce qu'il faut pour subvenir aux besoins de sa famille et de sa communauté, soulignant ainsi son engagement envers le bien-être de ceux qui lui sont chers (You don't want to see me make it; Rather see me dead/but real bitches do gangsta things; I do whatever nigga to feed my team). Ce passage révèle une résilience remarquable et une volonté inébranlable de surmonter les difficultés.

Une disparition des radars aussi subite que la révélation de son potentiel

Cependant, après cette brève période de succès, Dona a mystérieusement disparu de la scène musicale. Cormega a révélé par la suite qu'elle avait pris du recul pour se concentrer sur sa vie personnelle, ayant eu plusieurs enfants. De plus, il a partagé une anecdote poignante selon laquelle Dona aurait sacrifié ses propres bijoux pour financer les funérailles de sa nièce, dévoilant ainsi un aspect méconnu de sa générosité et de son dévouement familial. Malgré les attentes de la voir sur d'autres projets de Cormega, elle semble avoir été rattrapée par son quotidien et son passé difficile. À ce jour, seules deux vidéos de sa chaîne YouTube, TheDonabrooklyn, subsistent, postées en juillet 2010 et dépassant à peine les quelques centaines de vues :

Malgré son absence prolongée, l'héritage de Dona dans le rap continue d'inspirer et surtout d'intriguer. Son style unique et sa contribution significative à Legal Hustle restent gravés dans la mémoire des fans d'East Coast Rap, en particulier ceux qui ont suivi avec attention la carrière de Cormega. Bien qu'elle ait peut-être disparu des radars, son impact sur la culture hip-hop demeure indéniable, laissant derrière elle une aura de mystère et de talent incontesté.