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Lire plusLes inventions médiévales qui ont changé le monde : de la boussole à l'imprimerie
Le Moyen Âge, souvent considéré à tort comme une période sombre et stagnante de l'histoire, a été en réalité un terreau fertile pour l'émergence d'inventions révolutionnaires qui ont laissé une marque indélébile sur le monde moderne. De la boussole à l'imprimerie, ces innovations ont eu un impact profond sur la société, le commerce et la diffusion du savoir. Dans cet article, nous explorerons quelques-unes des inventions médiévales les plus influentes.
La boussole, un dispositif de navigation indispensable
La boussole (ou compas magnétique) est un dispositif de navigation qui indique les directions cardinales utilisées pour la navigation et l'orientation géographique. Généralement il s'agit d'une aiguille magnétisée ou un autre dispositif, comme une carte des vents ou une rose des vents, capable de tourner pour se positionner dans l'alignement du nord magnétique, à ne pas confondre avec le pôle Nord géographique noteLe "nord géographique" correspond à l'axe de rotation nord de la Terre, point de convergence des méridiens sur une carte. En revanche, le "nord magnétique" désigne la région de la surface terrestre où le champ magnétique terrestre attire vers le bas.. Concrètement, si la variation locale entre le nord magnétique et le nord géographique est connue, alors la direction du nord magnétique donne également la direction du nord géographique.
La boussole ouvrit le monde de l'exploration et de la découverte. Ici une boussole de gousset. | © Manuel M. Vicente
Parmi les quatre grandes inventions célébrées dans la culture chinoise pour leur importance historique noteÀ savoir la boussole, la poudre à canon, la fabrication du papier et l'imprimerie., le compas magnétique est inventé pour la première fois comme appareil de divination dès la dynastie chinoise Han, aux alentours de l'an 206 avant l'ère chrétienne. La boussole est ensuite adoptée pour la navigation par la dynastie chinoise Song pendant le XIe siècle. La première utilisation d'une boussole mentionnée en Europe occidentale et dans le monde islamique a lieu vers 1190, devenant rapidement un outil indispensable pour la navigation maritime au Moyen Âge. Grâce à son utilisation, les marins ont pu s'orienter plus précisément en mer, réduisant ainsi les risques de s'égarer et ouvrant de nouvelles voies commerciales à travers les océans.
La voile latine, une innovation déterminante dans l'expansion commerciale médiévale
La voile latine, également connue sous le nom de « voile arabe », est une voile triangulaire posée sur une longue vergue montée en angle sur le mât et s'étendant dans une direction avant et arrière. La principale caractéristique avantageuse de la voile latine, contrairement aux voiles carrées ou à bôme auparavant utilisée par les civilisations méditerranéennes comme les Byzantins, est sa capacité à ajuster le point d'amure en utilisant le quart, ce qui permet un mouvement tridimensionnel et notamment la possibilité de naviguer avec le vent venant directement de l'arrière du navire, perpendiculairement à sa direction.
Le Bracera : un voilier traditionnel à gréement latin de la Méditerranée. | © Ivan Matić
Son invention, généralement attribuée dans sa forme originelle aux navigateurs arabes au VIIe siècle, a permis aux marins de naviguer efficacement contre le vent, augmentant ainsi leur vitesse et leur portée. Selon l'historien Auguste Toussaint, avant son introduction sur les côtes du Vieux Continent, les Européens ne connaissaient que la voile carrée, à l'instar des Égyptiens et des Phéniciens. La voile latine est largement utilisée dans le commerce maritime médiéval. Son rôle s'est avéré crucial lors des évolutions technologiques survenues au XVIe siècle, lorsque les pratiques de construction navale de la Méditerranée et de l'Europe du Nord ont convergé. À cette époque, la voile latine est couramment déployée sur une grande variété de navires. Finalement, ce n'est que bien plus tard qu'elle est remplacée par le gréement aurique.
La poudre à canon, de la dynastie Han à l'Occident en passant par le monde islamique
La poudre à canon, dont l'invention est souvent attribuée par les historiens aux alchimistes chinois sous la dynastie Tang vers le IXe siècle, est le premier explosif chimique découvert de l'histoire. Constituée d'un mélange de soufre, de carbone et de nitrate de potassium (salpêtre), la poudre à canon est initialement développée par les taoïstes à des fins médicinales. Historiquement, sa première utilisation à des fins militaires (propulseur dans les armes à feu et l'artillerie) se situe vers 904 après J.C. avant d'être fréquemment employée comme propulseur dans les fusées et les pièces pyrotechniques, ainsi que comme agent de dynamitage pour les explosifs dans les carrières, les mines, la construction de pipelines, de tunnels et de routes.
Les techniques de fabrication de la poudre auraient été transmises au monde arabo-perse entre le VIIIe siècle et le IXe siècle, car des échanges de techniques d'alchimie existaient déjà entre le monde musulman et le monde chinois. Selon Iqtidar Alam Khan, ce sont les envahisseurs Mongols qui ont introduit la poudre à canon dans le monde islamique, plus précisément entre 1240 et 1280. La poudre noire s'est ensuite progressivement diffusée en Europe à partir du XIIIe siècle, principalement par l'intermédiaire d'échanges commerciaux avec le monde arabo-musulman. Révolutionnant l'art de la guerre au Moyen Âge, l'introduction de la poudre à canon change la façon dont les batailles sont menées. Son utilisation croissance lors des conflits militaires met fin à l'ère des châteaux forts imprenables et ouvre la voie à de nouvelles stratégies militaires.
L'imprimerie à caractères mobiles, une invention cruciale pour la diffusion du savoir
L'imprimerie est un ensemble de techniques permettant la reproduction en grande quantité, sur support matériel, d'écrits et d'illustrations, cela afin d'en permettre une distribution de masse. Généralement, on utilise des supports plans et la matière la plus utilisée est le papier ou le textile. Or, au Moyen Âge, la diffusion des textes en Europe est limitée en raison du faible taux d'alphabétisation. Les livres sont produits ou recopiés dans les monastères par des moines copistes, tandis que les illustrations sont réalisées par des moines spécialisés, appelés enlumineurs. À partir du XIVe siècle, la technique de la xylographie permet de reproduire les textes à grande échelle : elle consiste alors à graver le texte en miroir sur du bois, puis à l'appliquer sur du papier une fois encré. La première forme d'impression connue remonte au VIe siècle, avec des frottements d'encre effectués à partir de textes gravés sur des tablettes de pierre. Les avancées ultérieures dans la technologie de l'imprimerie comprennent l'invention des caractères mobiles par Bi Sheng vers l'an 1040 de l'ère chrétienne et celle de la presse typographique par Johannes Gutenberg (1393-1468), un imprimeur allemand du XVe siècle.
D'après la légende, Gutenberg aurait eu l'idée de son nouveau procédé d'impression en observant un pressoir à vin fonctionnant à Strasbourg. Son invention est révolutionnaire dans le sens où elle permet de produire un grand nombre d'exemplaires identiques de manière répétée. Par exemple, en trois ans, son procédé a permis de produire 180 Bibles, alors qu'un moine aurait mis le même temps à recopier une seule Bible. Bien que les caractères mobiles aient été utilisés par les Chinois, les Coréens et d'autres peuples asiatiques auparavant, Gutenberg a introduit des innovations majeures telles que l'utilisation de la presse et l'amélioration de la durabilité des caractères en les fabriquant en métal. Cela a rendu les caractères réutilisables et interchangeables, une caractéristique clé de son oeuvre.
Ainsi, l'avènement de la presse typographique a marqué une transformation culturelle majeure : les livres sont devenus accessibles au public, en particulier dans les villes commerciales et universitaires, et de nombreux ateliers d'imprimerie ont vu le jour, favorisant une augmentation de la production de livres. Cette révolution s'est répandue dans toute l'Europe, notamment en Italie et aux Pays-Bas. La facilité d'accès à la connaissance a favorisé le partage des idées, encouragé l'esprit critique et, par conséquent, a contribué à l'émergence de l'humanisme. La technologie de l'imprimerie a joué un rôle essentiel dans l'essor de la Renaissance et de la Révolution scientifique, et a jeté les bases matérielles de l'économie moderne axée sur la connaissance et la diffusion du savoir auprès du grand public. La presse typographique a constitué le principal outil d'impression en Occident pendant plusieurs siècles, jusqu'à ce qu'elle soit progressivement remplacée par la presse offset.
L'Astrolabe, un instrument astronomique aux multiples fonctions
Un astrolabe est un instrument astronomique permettant de mesurer la hauteur des corps célestes, y compris le soleil, de jour comme de nuit, et d'identifier les étoiles ou les planètes pour déterminer la latitude locale en fonction de l'heure locale. Cet outil a été essentiel pour les navigateurs en mer, leur permettant de calculer leur position en observant les étoiles et les astres. De plus, il a été utilisé par les astronomes pour étudier les mouvements des planètes et des étoiles, tandis que les astrologues s'en servaient pour établir des horoscopes. Bien que ses origines remontent à l'Antiquité grecque, la date de sa conception exacte est inconnue. Le premier traité sur l'astrolabe aurait été écrit par Théon d'Alexandrie, un érudit du IVe siècle, mais ce manuscrit a été redécouvert beaucoup plus tard par l'historien arabe al-Yaqubi au IXe siècle.
L'astrolabe est introduit dans le monde musulman au VIIIe siècle par le biais des textes grecs. À partir du IXe siècle, cet instrument rencontre un succès notable et devient rapidement l'un des atouts majeurs de l'âge d'or des sciences arabes. Pendant cette période, de nombreux astronomes du monde arabo-musulman tels qu'Al-Khwârizmî (825) et Al-Farghani (861) contribuent à perfectionner sa conception. Son utilisation se répand largement de la péninsule ibérique à l'Inde, en passant par le Maghreb et le Moyen-Orient. L'estime pour l'astrolabe est telle que l'astronome et horloger persan Abd al-Rahman al-Soufi (986) rédige deux traités comprenant respectivement 170 chapitres et proposant 1000 utilisations de l'instrument.
En Catalogne, une région chrétienne, se trouvent des monastères tels que Ripoll et Vic, qui sont en contact avec les érudits musulmans. C'est par l'intermédiaire de ces contacts que l'astrolabe va faire son entrée dans le monde occidental. Le premier texte latin décrivant l'astrolabe, Astrolabii Sententiae, est attribué à Lupitus de Barcelone, qui s'est inspiré de sources arabes non spécifiées. Au XIIe siècle, de nombreuses traductions d'ouvrages arabes ainsi que des traités originaux en latin font leur apparition. C'est à cette époque que l'astrolabe gagne en popularité en Europe et devient le symbole de l'astronomie. À Tolède, le roi Alphonse X de Castille ordonne la compilation, par des savants et des traducteurs juifs, chrétiens et musulmans, de l'ensemble des connaissances astronomiques dans les Livres du savoir astronomique ou Libro del saber de astrología (1276-1279). Cependant, sa production en Europe commence à décliner aux XVIIe et XVIIIe siècles pour plusieurs raisons. D'une part, il est remplacé par la lunette astronomique qui offre une grande précision et permet d'observer le Soleil sans difficulté. D'autre part, l'obtention presque instantanée de l'heure grâce aux horloges et pendules mécaniques miniaturisées rend l'astrolabe obsolète, en raison de sa taille encombrante, de son utilisation plus laborieuse et de sa conception complexe et plus coûteuse.
En conclusion, les inventions médiévales telles que la boussole, la poudre à canon, la voile latine, et l'imprimerie à caractères mobiles ont eu un impact significatif sur le développement de la civilisation humaine. En se basant sur des sources fiables provenant d'ouvrages et d'articles scientifiques établis, nous pouvons comprendre et apprécier l'importance de ces innovations qui ont changé le monde. Ces inventions, ainsi que d'autres comme l'astrolabe, ont contribué à façonner le monde moderne et ont laissé une marque indélébile sur la société.
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