Le terme crétin désigne à l'origine une maladie originaire des Alpes Le terme crétin désigne à l'origine une maladie originaire des Alpes | © Wikimedia Commons

Expression : crétin des Alpes (définition, signification, origine, étymologie)

 

Définition et signification de l'expression crétin des Alpes

  • Personne stupide, dépourvue d’intelligence ou de discernement.
  • Individu perçu comme simple d’esprit, naïf ou mentalement limité.

L’expression « crétin des Alpes » est employée dans un registre familier, voire péjoratif, pour désigner une personne jugée particulièrement sotte ou dénuée de bon sens. Elle véhicule une image d’idiotie notoire, souvent teintée d’un mépris social, et s’inscrit dans une tradition linguistique où des maladies ou handicaps furent progressivement détournés en injures. Cette locution, bien qu’archaïque dans certaines régions, conserve une charge injurieuse liée à l’histoire médicale et sociale des territoires alpins.

Origine et étymologie de l'expression crétin des Alpes

L’origine du mot « crétin » demeure sujette à débat, plusieurs hypothèses étymologiques coexistant.

La plus documentée renvoie au contexte historique et médical des régions alpines. Dès le XVIIe siècle, le terme « crétin » apparaît dans les dialectes de Suisse romande, notamment dans le Valais, pour désigner des individus atteints de crétinisme endémique — une affection provoquée par une carence en iode, souvent due à une hypothyroïdie congénitale. Avant l’enrichissement du sel en iode, cette maladie touchait particulièrement les populations isolées de certaines zones montagneuses, provoquant des retards mentaux et physiques, des goitres, ainsi qu’un comportement apathique. Les régions concernées incluent non seulement le Valais, mais aussi les Alpes maritimes, l’Auvergne, le Dauphiné, les Grisons, les Pyrénées, le Tyrol, le Val d’Aoste, et les Vosges.

C’est dans ce contexte que s’est formée la locution crétin des Alpes, à partir de l’observation médicale et sociale des autochtones. Elle sera également doublée d’un usage parallèle, plus rare, comme crétin des Vosges. L’une des premières attestations littéraires du mot figure dans un écrit du médecin et marquis Timoléon de Maugiron, daté du 22 juillet 1750, dans son Voyage en Suisse, où il décrit ainsi les crétins valaisans :

« Il naît chez eux en assés grande quantité, et surtout à Sion leur capital une espece d’hommes qu’ils appellent cretins, ils sont sourds, muers, imbéciles, presque insensibles aux coups et portent des goètres pendans jusqu’à la ceinture ; assés de bonnes gens d’ailleurs, ils sont incapables d’idées, et n’ont qu’une sorte d’attrait assés violent à leurs besoins. La simplicité des valaisans les leur fait regarder comme les anges tutelaires des familles... »

Ces propos sont ultérieurement repris par d’Alembert dans la première Encyclopédie (1754), renforçant la diffusion du terme dans la langue française.

Une autre hypothèse étymologique, plus ancienne, propose une origine franco-provençale du mot « crétin », issu du latin chrétien christianus. Ce terme était alors employé pour désigner, de façon bienveillante, toute personne atteinte d’un handicap mental, dans une optique chrétienne de compassion envers les faibles. Le mot, synonyme de « pauvre hère » ou d’innocent, ne portait initialement aucune connotation péjorative. Le glissement sémantique se serait produit au fil du temps, d’abord par euphémisme, avant de devenir une véritable insulte.

Enfin, une hypothèse plus marginale suggère une racine germanique avec le mot kreide (craie en allemand), qui renverrait à la pâleur caractéristique des malades atteints de crétinisme. Cette explication, bien que linguistiquement plus fragile, reflète une tentative de lier l’aspect physique à l’étymologie du mot.

Usage contemporain et évolution du sens de l'expression crétin des Alpes

Aujourd’hui, la formule crétin des Alpes s’emploie quasi exclusivement dans un registre familier ou péjoratif, sans que son utilisateur ait nécessairement conscience de ses origines médicales et géographiques. Elle est devenue une formule figée servant à qualifier, de manière moqueuse ou insultante, une personne perçue comme particulièrement stupide, lente d’esprit ou maladroite. L’image véhiculée est celle d’une idiotie supposée exacerbée, que l’emploi de la locution tend à caricaturer.

Dans le langage courant, l'expression ne conserve plus qu’une trace lointaine de son lien avec la réalité pathologique du crétinisme alpin. Elle fonctionne désormais comme une hyperbole, souvent utilisée dans un contexte humoristique ou satirique. Cependant, en raison de ses origines stigmatisantes associées à une déficience mentale et à des populations rurales précises, son usage peut être perçu comme discriminatoire ou offensant, notamment dans un cadre public ou médiatique.

Par ailleurs, l’évolution sémantique du mot crétin illustre un processus linguistique plus général de péjoration, dans lequel un terme initialement neutre ou empreint de compassion glisse progressivement vers une insulte. Ce phénomène, fréquent dans les langues vivantes, reflète à la fois des changements culturels et des représentations sociales historiques qui méritent d’être contextualisées afin d’éviter tout emploi inapproprié ou irrespectueux.