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Lire plusLes tambours sacrés : L'âme des cultures amérindiennes d'Amérique du Nord
Les tambours sacrés occupent une place centrale dans les cultures autochtones d'Amérique du Nord depuis des millénaires. Ces instruments, souvent fabriqués à partir de matériaux naturels tels que le bois et la peau animale, revêtent une grande importance spirituelle, culturelle et sociale pour les communautés autochtones de la région.
Les tambours sacrés, un lien spirituel ancré dans les traditions autochtones
Dans les riches traditions des peuples autochtones d'Amérique du Nord, les tambours sacrés occupent une place de premier plan, revêtant une signification spirituelle profonde et des liens étroits avec les mondes naturels et mystiques. Bien plus que de simples instruments de musique, ces tambours sacrés sont des artefacts chargés de symbolisme, utilisés dans une multitude de contextes rituels, allant des cérémonies religieuses aux rituels de guérison, en passant par les célébrations communautaires et les pratiques chamaniques.
Objets de pouvoir et de sacralité
Par exemple, lors des pow-wows, célébrations vibrantes de l'héritage autochtone d'Amérique du Nord, cette connexion spirituelle est exprimée avec une forte conviction. Ces événements sociaux, culturels et spirituels réunissent les communautés autochtones pour célébrer leurs traditions à travers la musique, la danse, l'artisanat et la langue. Concrètement, la présence d'au moins un tambour est indispensable pendant un pow-wow, car il constitue l'élément central de la cérémonie. Sans tambour, il ne pourrait y avoir ni cercle, ni danse, ni chant. En outre, le tambour incarne à lui seul les éléments religieux qui lui confèrent une profonde importance au sein du pow-wow. Souvent désigné comme le « battement de coeur » du peuple, le tambour est considéré comme l'élément focal du pow-wow, que ce soit en termes d'historicité, de spiritualité ou de musicalité. Ces célébrations offrent ainsi une occasion unique de renforcer les liens communautaires et de rendre hommage aux ancêtres, dans une atmosphère de respect et de révérence.
Mais, pour comprendre pleinement l'importance des pow-wows, et donc parallèlement des tambours sacrés, il faut se plonger dans l'histoire. Au XVIIIe siècle, alors que les bouleversements politiques et sociaux secouent les communautés autochtones, le pow-wow émerge comme une cérémonie dominante dans les plaines du nord, tandis que la cérémonie Hethushka, célébrant la force et la résilience des guerriers autochtones, se répand parmi certaines nations des Grandes Plaines. Ces cérémonies, marquées par des danses rituelles, des chants et des costumes élaborés, sont perçues par les colons européens comme des expressions de force et de cohésion communautaire, renforçant les alliances entre les peuples autochtones. Cependant, avec l'instauration du système de réserves par le gouvernement américain, les échanges entre les peuples autochtones des plaines du nord et du sud se réduisent progressivement. À partir des années 1880, des différences notables apparaissent dans leur culture musicale et cérémonielle, influencées par les tendances religieuses distinctes de chaque région.
L'importance des tambours sacrés dans la danse du soleil des plaines du nord et le Peyotisme des plaines du sud
Les Plaines du nord sont davantage marquées par les pratiques de la danse du soleil (Sun Dance), pour honorer les esprits et demander des bénédictions. Cette cérémonie sacrée, souvent considérée comme l'une des plus importantes des Grandes Plaines, est pratiquée par plusieurs nations amérindiennes, notamment les Lakotas, les Dakotas, les Cheyennes, les Arapahos, les Blackfoot, les Crow et les Shoshones, entre autres. La Sun Dance est habituellement tenue à la fin du printemps ou au début de l'été, marquant le renouveau et la régénération de la vie. Elle implique des rituels complexes, des danses et des chants guidés par le son des tambours, des prières et des jeûnes. L'une des caractéristiques les plus marquantes de la danse du soleil est l'emploi de l'arbre de vie sacré, généralement un pin ou un sapin, qui est érigé au centre du site de la cérémonie. Les participants dansent et prient autour de cet arbre, symbolisant ainsi le sacrifice et la connexion avec le divin.
Les plaines du sud sont quant à elles plus imprégnées par le Peyotisme, une religion animiste d'Amérique du Nord qui met l'accent sur l'utilisation rituelle du peyotl, un cactus hallucinogène. Les adeptes de cette religion, appelés peyotistes, consomment le peyotl dans le cadre de cérémonies sacrées pour induire des états de transe chez les participants. Le Peyotisme est principalement pratiqué par les peuples autochtones des plaines du sud des États-Unis et du nord du Mexique, tels que les Kiowas, les Comanches, les Navajos, les Apaches et les Huichols. Cette pratique religieuse est souvent associée à des valeurs telles que la guérison, la réconciliation et l'union spirituelle avec la divinité.
Des vibrations culturelles des tambours sacrés qui résonnent encore aujourd'hui
De plus, l'oppression culturelle exercée par le gouvernement américain à l'encontre des peuples autochtones ne fait que s'intensifier à cette époque. Au fil du temps, les religions animistes autochtones sont progressivement interdites et leur pratique sévèrement réprimée, conduisant à la clandestinité de la plupart des cérémonies, y compris le pow-wow, qui perd alors son caractère sacré pour adopter une apparence profane. Malgré cette évolution, la plupart des participants restent conscients de ses implications spirituelles.
Tout ceci explique pourquoi, encore de nos jours, les pow-wows continuent de rassembler les peuples autochtones d'Amérique du Nord. Pour de nombreuses nations amérindiennes, les tambours sacrés sont capables de guider les esprits et de renforcer les liens avec les ancêtres et la terre.
Fabrication et techniques musicales des tambours sacrés
Matériaux utilisés pour la fabrication d'un tambour sacré
La fabrication d'un tambour sacré est un processus empreint de tradition et de spiritualité, utilisant des matériaux naturels soigneusement sélectionnés pour leur signification et leur connexion avec les mondes spirituels. Traditionnellement, un tambour est construit à partir de peaux animales tendues sur un cadre en bois, choisi avec soin parmi des arbres considérés comme sacrés. Chaque étape de la fabrication, du choix de l'arbre pour le cadre à la sélection de la peau pour la membrane, est effectuée avec intentions et prières, honorant les Esprits de la nature qui contribuent à sa création.
Le cadre du tambour, symbolisant le cycle de la vie et l'univers lui-même, est réalisé à partir d'un morceau de bois tourné à la vapeur. Ce procédé permet la réalisation de cadres légers, adaptés au mode de vie nomade des peuples amérindiens. La peau animale utilisée pour la membrane du tambour est souvent choisie parmi les peaux de cerfs, d'élans et de bisons, offrant une grande variété sonore en fonction de leur épaisseur. Cette peau est tendue sur le cadre en bois alors qu'elle est encore humide, se contractant lors du séchage pour créer une surface de frappe tendue et résonante.
Un tewehikan, tambour traditionnel des Premières Nations attikameks. | © Thérèse Ottawa
La mailloche, également nommée hochet ou maillet, est également un élément crucial dans la fabrication du tambour. Elle représente la force masculine qui complète l'énergie féminine du tambour, et est fabriquée avec les mêmes principes et matériaux que le tambour lui-même. Pour confectionner la mailloche, chaque étape requiert une précision méticuleuse. D'abord, sélectionner soigneusement les morceaux de peau, les découper et percer de petits trous. Ensuite, coudre avec un fil de lin à l'aide d'une aiguille en cuir. La mise en forme de la mailloche est un processus délicat : remplir la peau placée à son extrémité avec des graines, de la laine de mouton, du crin de cheval ou de la fibre de coco, puis tester les sons produits sur le tambour. Pour le manche, généralement en bois de frêne, d'érable ou de bouleau, il faut enlever l'écorce, poncer pour obtenir une surface lisse, puis cirer avec une cire végétale. Enfin, pour attacher la tête de la mailloche remplie de graines au bâton, une lanière de rawhide noteLe rawhide désigne la peau d'un animal qui a été traitée pour enlever la chair, puis séchée pour en faire une matière solide et rigide. est utilisée.
Enfin, il ne faut pas omettre l'importance de la décoration du tambour sacré, dont les formes dessinées proviennent de différents moments lors de la fabrication de l'instrument, parfois pendant des méditations spécialement dédiées. Généralement, la fabriquer un tambour sacré prend en moyenne 30 heures de travail, sans compter les temps dédiés au séchage des peaux. Dans l'ensemble, un tambour est construit entre trois semaines et un mois.
Un processus de fabrication empreint de spiritualité
La création d'un tambour sacré est un processus profondément empreint de spiritualité, souvent accompagné de prières, de chants et de cérémonies. Chaque élément utilisé est soigneusement choisi pour sa signification symbolique et sa connexion avec la nature. Par exemple, le cadre du tambour peut symboliser le cercle de la vie, tandis que la peau de l'animal utilisée pour la membrane est souvent considérée comme un lien sacré avec les esprits animaux et la terre mère. Chez les Atikamekws, les Anciens enseignent qu'il est essentiel de suspendre le tambour et de lui parler pendant plusieurs jours avant de le jouer, afin de fusionner harmonieusement avec lui.
Tambours amérindiens traditionnels au National Museum of the American Indian, à Washington (États-Unis). | © Quadell
En ce qui concerne les caractéristiques physiques du tambour, on distingue généralement deux types de tambours autochtones : le tambour à main, plus petit, et le gros tambour fixé au sol. Le petit tambour mesure environ 30 centimètres de diamètre, tandis que le grand tambour atteint 60 centimètres. Concernant ces derniers, les dimensions varient, avec un diamètre allant d'environ 80 à 100 cm et un cadre mesurant de 30 à 40 cm, maintenu en place par des lanières de cuir entrelacées en zigzag. Le tambour est suspendu horizontalement à environ 30 cm du sol à l'aide de lanières fixées à quatre poteaux. Il est joué en étant frappé par plusieurs personnes assises autour de lui, chacune tenant un maillet à bout rembourré, tout en chantant ensemble.
Techniques pour jouer du tambour sacré
Les techniques de jeu du tambour sacré varient selon les cultures et les traditions, mais certaines sont largement reconnues dans les pratiques chamaniques à travers le monde. Selon la tradition amérindienne d'Amérique du Nord, l'ancienneté du tambour est attribuée aux femmes, qui auraient été les premières à reconnaître son rythme synchronisé avec celui du coeur humain. Ainsi, femmes, hommes et enfants ont commencé à jouer de cet instrument en suivant le battement de leur propre coeur. Ce tempo singulier, reproduisant le battement régulier d'une pulsation cardiaque, est une constante qui vise à plonger les participants au rituel dans un état de transe. D'autres pratiques incluent le battement accentué, où certains coups sont donnés avec plus de force pour marquer les transitions rituelles ou invoquer des esprits spécifiques. Cette variation d'intensité canalise l'énergie du rituel et met en relief certains aspects particuliers de la cérémonie.
Les rythmes de tambours employés peuvent être simples et répétitifs ou plus complexes, nécessitant à la fois une maîtrise avérée et une connaissance profonde de leur signification spirituelle. En s'entraînant régulièrement à ces techniques et à ces rythmes, le joueur de tambour développe un lien plus intime avec son instrument, renforçant ainsi sa capacité à naviguer à travers les mondes spirituels selon les croyances animistes. En acquérant une expertise dans l'utilisation de ces outils, les joueurs de tambour peuvent efficacement guider les autres participants dans leur cheminement spirituel lors des cérémonies, tout en utilisant sa sonorité comme un puissant moyen de guérison et de transformation.
Malgré leur importance culturelle et spirituelle, les tambours sacrés des cultures autochtones d'Amérique du Nord sont confrontés à des défis de conservation et de sauvegarde. La déforestation, l'exploitation des ressources naturelles et la perte de terres traditionnelles menacent la disponibilité des matériaux nécessaires à la fabrication des tambours. De plus, la commercialisation et l'appropriation culturelle peuvent porter atteinte à la signification sacrée des tambours pour les communautés amérindiennes.
Les tambours sacrés occupent une place significative dans les cultures autochtones d'Amérique du Nord, symbolisant la connexion spirituelle, culturelle et sociale de ces peuples avec leur terre, leurs ancêtres et leurs traditions. Il est essentiel de reconnaître et de respecter l'importance sacrée de ces instruments, ainsi que de soutenir les efforts de conservation et de préservation menés par les communautés autochtones pour préserver cet aspect vital de leur patrimoine culturel.
Références bibliographiques :
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