Le Boto, le dauphin rose de l'Amazone

Le Boto, ou Inia geoffrensis, est un dauphin d'eau douce appartenant à la famille des Iniidae. Cette espèce est communément connue sous le nom de « Boto » en raison de sa coloration rosée distinctive et de sa présence dans les eaux de l'Amazone et de l'Orénoque en Amérique du Sud.

Une classification de l'espèce loin d'être évidente

Le dauphin rose de l'Amazone, aussi appelé Boto, est une espèce de cétacé endémique d'Amérique du Sud, vivant dans les fleuves Amazone et Orénoque. Autrefois, les scientifiques pensaient qu'il existait plusieurs espèces de dauphins dans ces régions, mais des études récentes ont démontré que tous appartiennent à la même espèce, Inia geoffrensis. Il existe trois sous-espèces de dauphins roses : l'Inia geoffrensis geoffrensis qui habite la majeure partie du fleuve Amazone, l'Inia geoffrensis boliviensis qui a des populations dans le cours supérieur du fleuve Madère, et l'Inia geoffrensis humboldtiana située dans le bassin de l'Orénoque, y compris les rivières Apure et Meta. Il convient de ne pas confondre ces sous-espèces du Boto avec deux autres espèces de dauphin d'eau douce, à savoir l'Inia araguaiaensis (découverte en 2014 et qui nécessite encore une confirmation) et le Sotalia fluviatilis.

Le dauphin rose de l'Amazone, aussi appelé Boto, est une espèce de cétacé endémique d'Amérique du Sud. | © Joachim S. Müller

L'origine de ces dauphins dans le bassin de l'Amazone demeure incertaine, mais il est possible qu'ils y soient arrivés depuis l'océan Pacifique ou Atlantique il y a longtemps. En effet, durant le Miocène, l'Amazonie était périodiquement recouverte par la mer. Les ancêtres des dauphins d'eau douce, après avoir quitté l'océan pour résider plus profondément dans la région, ont par la suite évolués afin de s'adapter à l'eau douce lorsque la mer s'est retirée. Des recherches récentes suggèrent que les différences génétiques entre les populations de dauphins dans ces régions sont moins importantes que prévu, remettant ainsi en question la classification des sous-espèces.

Description physique et caractéristiques du Boto

Le Boto se distingue facilement par sa teinte rose, plus accentuée chez les mâles en raison de traumatismes plus fréquents dus à une agression intra-espèce, bien que cette couleur puisse varier en fonction de l'âge, de la santé et de l'environnement. Dans le bassin amazonien, où la boue et les débris végétaux donnent une teinte de thé à l'eau, les dauphins semblent rose-orangé lorsqu'ils sont immergés, mais deviennent gris pâle une fois à l'air libre, avec parfois des marques roses. La couleur du corps varie avec l'âge. Les nouveau-nés et les jeunes ont une teinte gris foncé qui, à l'adolescence, se transforme en gris clair et, chez l'adulte, devient rose en raison de l'abrasion répétée de la surface de la peau. Ainsi, la couleur des adultes Boto varie entre le rose uni et marbré et chez certains adultes, la surface dorsale étant plus foncée.

Dauphin rose (Boto) montrant ses dents. | © Jorge Andrade

Reconnaissable à sa tête arrondie, son corps fuselé et sa nageoire dorsale bien développée, le Boto est le plus grand dauphin d'eau douce, les mâles pouvant atteindre 2,5 mètres de long pour 185 kilogrammes. Le dimorphisme sexuel est très évident, les mâles mesurant en moyenne 16 % de plus et pesant 55 % de plus que les femelles. Son museau en forme de bec est orné de vibrisses. Contrairement aux dauphins marins, ses vertèbres cervicales ne sont pas fusionnées, lui conférant une grande mobilité ; il peut ainsi pivoter jusqu'à 90°, une capacité idéale pour se frayer un chemin entre les arbres. Doté de larges nageoires, d'une dorsale réduite pour éviter toute gêne, et de petits yeux, il présente une bosse appelée « melon » entre ses yeux. Grâce à l'écholocalisation, le Boto peut repérer précisément ses proies dans l'eau boueuse.

Habitat, alimentation, comportement et reproduction du Boto

Le Boto habite les bassins de l'Amazone et de l'Orénoque, depuis leurs estuaires au Brésil et au Venezuela, jusqu'au Pérou, en Équateur (notamment dans la réserve de Cuyabeno), en Bolivie et en Colombie. Il préfère les zones à courant lent avec une végétation abondante où il peut trouver sa proie principale, les poissons. Les dauphins roses sont bien adaptés à leur environnement fluvial et sont capables de naviguer dans les eaux peu profondes et encombrées. Les Botos s'adaptent aux changements saisonniers des niveaux d'eau, occupant les canaux principaux pendant la saison sèche et se déplaçant vers les affluents et les plaines inondables pendant la saison des pluies. À noter que les mâles semblent préférer les canaux fluviaux, tandis que les femelles et leurs petits restent dans les zones inondées, sans doute pour réduire les risques d'agression et de prédation. L'espérance de vie du dauphin du fleuve Amazone à l'état sauvage est inconnue, mais en captivité, la longévité des individus en bonne santé a été enregistrée entre 10 et 30 ans.

Le régime alimentaire du Boto est l'un des plus variés parmi les baleines à dents, comprenant jusqu'à 53 espèces de poissons différentes, comme les courbines, les poissons-chats, les tétras et les piranhas, ainsi que d'autres animaux tels que les tortues de rivière, les grenouilles aquatiques et les crabes d'eau douce. Les Botos se nourrissent principalement pendant la saison des pluies, lorsque les poissons sont dispersés dans les chenaux fluviaux, mais ils chassent également près des chutes d'eau et à l'embouchure des rivières, où les bancs de poissons se dispersent, facilitant leur capture. Le Boto consomme environ 5,5 % de son poids corporel par jour et est actif aussi bien le jour que la nuit, avec des périodes de chasse principalement entre 6 h et 9 h du matin et entre 15 h et 16 h de l'après-midi.

Bien qu'un peu craintifs, certains Botos peuvent s'approcher des humains pour manger de la nourriture proposée. | © Coeur Étranger

Les Botos sont des animaux sociaux vivant généralement en groupes appelés « troupes », pouvant compter jusqu'à une douzaine d'individus, bien que des groupes plus importants aient été observés. Ils communiquent entre eux à l'aide de clics et de sifflements, et utilisent l'écholocation pour naviguer et chasser dans les eaux troubles de l'Amazone. Bien qu'un peu craintifs, certains Botos peuvent s'approcher des humains pour manger de la nourriture proposée. Cependant, s'ils se sentent menacés, ils peuvent se défendre en donnant un coup de tête, ce qui peut causer des blessures graves.

En matière de reproduction, la gestation dure environ onze mois et les femelles allaitent leur petit pendant plus d'un an. Les naissances sont espacées de deux à trois ans, donnant lieu à une seule progéniture à la fois, et se produisent entre mai et juin pendant la saison des crues. Cette période avantageuse correspond à une densification des ressources alimentaires dans les zones inondées, favorisant la croissance des nourrissons. Les nouveaux nés mesurent environ 80 centimètres de long et connaissent une croissance annuelle d'environ 0,21 mètre en captivité. Les jeunes dauphins deviennent indépendants au bout de deux à trois ans. Ce modèle suggère un niveau élevé de soins parentaux, avec la plupart des groupes composés d'une femelle et de son petit, favorisant ainsi l'apprentissage et le développement des jeunes Botos.

Conservation et menaces relatives au boto

Depuis 2018, le Boto est répertorié comme une espèce en danger par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), en raison de multiples menaces, notamment la destruction de son habitat, la pollution, la pêche illicite et les conflits avec les activités humaines telles que la navigation et la construction de barrages. Les activités de pêche humaine constituent une menace particulièrement grave, car elles sont en compétition directe avec les dauphins pour les mêmes espèces de poissons, comme le tambaqui (Colossoma macropomum) et le pirapitinga (Piaractus brachypomus), entraînant souvent la capture des Botos dans les filets de pêche. Ces captures accidentelles ou intentionnelles peuvent entraîner l'épuisement et la mort des dauphins, tandis que certains pêcheurs locaux tuent délibérément les dauphins pris au piège dans les filets.

Le fleuve Amazone est confronté à des menaces telles que le déversement de mercure, menaçant gravement la faune aquatique. | © Mamíferos de Colombia

Le fleuve Amazone est confronté à des menaces telles que le déversement de mercure provenant de l'exploitation minière et d'autres produits chimiques agressifs. La déforestation et les incendies aggravent également cette situation en polluant l'eau du fleuve, ce qui menace gravement la faune aquatique. De plus, le changement climatique est un facteur préoccupant. En septembre 2023, une température record de l'eau de 40 °C a été enregistrée dans le lac Tefé au Brésil, entraînant la mort de 154 dauphins du fleuve Amazone sourceAna Ionova and Livia Albeck-Ripka, "A Lake Turned to a Hot 'Soup' Then the River Dolphins Died", The New York Times, 4 October 2023.. Cette augmentation de température a pu déclencher la libération d'une toxine par les algues du lac, affectant le système nerveux central des dauphins. Bien que des études soient en cours pour déterminer la cause exacte de ces décès, il est évident que les conditions environnementales extrêmes ont un impact négatif sur la santé de la faune du fleuve Amazone.

Des initiatives de conservation, telles que la création de réserves naturelles et des campagnes de sensibilisation, visent à protéger les Botos. Il est impératif d'adopter des mesures de conservation efficaces, impliquant une collaboration entre les gouvernements, les ONG et les communautés locales, pour sauvegarder cette espèce et son habitat. La préservation du dauphin de l'Amazone revêt une importance capitale non seulement pour la protection de cette espèce, mais également pour la biodiversité et les écosystèmes aquatiques de l'Amazonie.

Ressources bibliographiques :

• Omar Vidal et al., "Distribution and Abundance of the Amazon River Dolphin (Inia geoffrensis) and the Tucuxi (Sotalia fluviatilis) in the Upper Amazon River", Publications, Agencies and Staff of the U.S. Department of Commerce, 1997, p. 322.
• T. Hrbek et al., "A New Species of River Dolphin from Brazil or: How Little Do We Know Our Biodiversity", PLOS ONE, Public Library of Science, vol. 9, no 1, 22/01/2014.
• A.R. Martin and V.M.F. da Silva, “Amazon River Dolphins Inia Geoffrensis Are on the Path to Extinction in the Heart of Their Range”, Oryx, vol. 56, no.4, 2022, pp. 587–591.
• "Amazon River Dolphin - Inia geoffrensis", The IUCN Red List of Threatened Species. URL . Consulté le 27/04/2024.