Expression : avoir la berlue (définition, signification, origine, étymologie)

 

Définition et signification de l'expression avoir la berlue

  • Prendre quelque chose pour ce qu’il n’est pas.
  • Être victime d’une illusion visuelle passagère.
  • Voir ce qui n’existe pas, imaginer à tort la présence d’un objet ou d’une personne.

L’expression « avoir la berlue » signifie percevoir quelque chose de manière erronée, que ce soit par une illusion sensorielle, un trouble visuel ou une fausse interprétation de la réalité. Au sens propre, elle décrit un phénomène de perception visuelle altérée, comme voir des choses qui n’existent pas ou mal percevoir ce qui est devant soi. Au sens figuré, elle s’applique à une personne trompée par une fausse apparence, victime d’une confusion mentale ou émotionnelle.

Cette locution suggère généralement une illusion passagère, un trouble de la perception teinté d’étonnement, d’ironie ou même de moquerie : on doute alors de ses propres sens ou de la validité de ce qu’on croit avoir vu. Elle se rapproche d’autres expressions comme « voir des chimères », « se faire des idées » ou encore « halluciner ».

Employée principalement dans le registre familier ou littéraire, « avoir la berlue » conserve aujourd’hui une certaine vitalité, notamment dans les contextes humoristiques, expressifs ou lorsqu’on souhaite insister sur l’incongruité d’une situation perçue.

Origine et étymologie de l'expression avoir la berlue

L’étymologie du terme berlue est incertaine, bien que plusieurs hypothèses plausibles soient avancées. Le terme pourrait dériver du verbe médiéval belluer, attesté dès le XIIIᵉ siècle, signifiant à la fois « éblouir » et « tromper ». Ce verbe, désormais disparu, aurait transmis au mot berlue l’idée d’un trouble lié à la lumière ou à la perception, suggérant une illusion passagère ou un aveuglement trompeur.

C’est au XVIᵉ siècle que le mot berlue réapparaît, cette fois dans le vocabulaire médical, où il désigne un trouble visuel : perception d’objets imaginaires, images déformées ou visions éphémères. Ce sens médical, fondé sur une compréhension encore rudimentaire de l’œil et des troubles sensoriels, a préparé le terrain pour l’émergence de l’expression « avoir la berlue », fixée dans son sens figuré dès le XVIIᵉ siècle.

Par ailleurs, des rapprochements ont été proposés avec d’autres mots anciens comme berlu ou éberluer, tous deux liés à une idée de désorientation, d’étonnement ou de stupeur. Ces termes, bien que distincts, partagent un même noyau sémantique tournant autour de la surprise, de l’altération de la perception et de l’effet de sidération.

Précisions historiques/linguistiques et usage contemporain du sens d'avoir la berlue

Aujourd’hui, « avoir la berlue » s’utilise le plus souvent dans un registre familier ou littéraire, avec une nuance ironique, sceptique ou moqueuse. Elle permet d’exprimer un doute face à une scène surprenante, absurde ou improbable :

« J’ai cru voir mon patron danser en pleine rue... J’ai dû avoir la berlue ! »

Mais son emploi ne se limite pas au champ visuel. Par extension, l’expression peut désigner une erreur d’interprétation mentale ou affective, une fausse croyance ou une désillusion. On « a la berlue » lorsque l’on projette sur la réalité des attentes irréalistes, ou que l’on se méprend sur les intentions, les gestes ou les paroles d’autrui.

L’expression s’inscrit dans une tradition linguistique plus large où les troubles sensoriels servent de métaphores des états psychologiques : voir flou, être dans le brouillard, perdre de vue, etc. Elle reflète aussi une époque où les phénomènes visuels étaient souvent interprétés à travers un mélange de médecine balbutiante, de croyances populaires et d’imaginaires collectifs, où l’œil était perçu comme un organe aussi mystique que fragile.

« Avoir la berlue » illustre ainsi l’évolution sémantique d’un terme ancien vers une expression imagée et encore vivante dans la langue française. Issue de racines médiévales et d’usages médicaux anciens, elle témoigne de la manière dont la langue incorpore les perceptions sensorielles pour exprimer des états mentaux complexes. Entre illusion visuelle et méprise intellectuelle, l’expression continue, par sa richesse évocatrice, à traduire l’étonnement face à l’étrangeté du réel.